Bonne feuille du livre
Christian Boltanski, Catherine Grenier, La vie possible de Christian Boltanski, Ed Le Seuil 2010
C. G. : Et que vas-tu montrer au Mac/Val ?
C.B. :
L’exposition s’appelle « Après » : j’ai choisi ce titre parce qu’elle ouvre après le Grand Palais, mais aussi parce qu’elle montre ce qui se passe après ce qu’on voit au Grand Palais : là, comme diraient les anciens, on est dans les enfers, dans le domaine des morts. Il y a une sorte de village avec des tours noires très très hautes et assez serrées, qui remplissent tout l’espace. Quand on entre, après les portes, il y a un rideau traversable sur lequel sont projetées à toute vitesse des images d’actualité provenant de l’INA, mais pas seulement des images d’événements, plutôt des foules, des images de football, des images où il y a beaucoup de monde. Quand tu traverses le rideau, l’image s’arrête, et dès que tu es passé l’image repart. Tu arrives dans un univers très sombre, avec ces énormes tours noires, et puis tu as des personnages comme ceux de Prendre la parole, dont les manteaux sont transpercés de néons et qui te posent la question : « Et toi, comment es-tu mort ? ». Il y a une très belle prière dans la tradition juive qui est exactement là-dessus : Seras-tu coupé en morceaux ? Seras-tu noyé ? Seras-tu torturé ? Elle décrit toutes les formes de mort. Mais c’est un peu trop tragique, donc j’aime mieux la question « Comment es-tu mort ? » Ces hommes qui sont traversés de lumière sont un peu comme des sortes d’anges, ils t’accueillent et te disent d’une voix joyeuse : « Comment es-tu mort ? », « As-tu laissé beaucoup d’amis derrière toi ? », « As-tu beaucoup souffert ? » Il y a une quinzaine de questions comme ça. L’idée c’est que quand tu franchis les rideaux tu quittes la vie et tu arrives dans un univers où la vie est arrêtée, dans un village de tombes où des hommes te posent des questions sur ton passage de la vie à la mort. Au Grand Palais, c’est la mise à mort, mais il y a encore les battements de cœur, encore une grande activité. Là, on arrive dans un endroit beaucoup plus calme, qui est la mort. D’où le titre ...
Si Boltanski a voulu produire un effet désagrable, alors c’est réussi !
Nous sommes bien au cœur de certaines obsessions de Boltanski : la hantise et l’interrogation sur la manière dont il pourrait mourrir. Alors, il nous la renvoie et nous force à la partager.
En effet, les techniques utilisées n’ont pas la même dimension spatiale ou plastique qu’à Monumenta. On entre et on passe par de petites portes, et non par les portes immenses et vitrées du Grand Palais. Un rideau de perles de plastique qui n’est pas sans rappeler les perles de Felix Gonzalez-Torres, de l’expostion Dead Line , quelques mois auparavant au musée de la Ville de Paris, mais ici c’est l’électronique qui s’introduit, sans aucune emphase et probablement trop discrètement . Si vous passiez en groupe le mécanisme des images de foules qui brusquement s’arrêtent , n’était pas perceptible.
Il en va de même des hommes qui parle quand vous vous approchez. Les voix sétaient trop rapides et trop assourdises bien souvent par les habits des pantins qui recouvraient les hauts parleurs.
Les lampes clignotantes "Après" étaient trop faibles et aussi dérisoires qu’un mauvais spectacle de fêtes foraines. Dérisoire et lugubre.
Les tours de plastique noir dont le principe avait été déjà adopté dans d’autres dipostifs antérieurs délimitait un labyrinthe oppressant dans lequel les visiteurs se cognaient, sans rire ou jouer à se faire peur. Le spectacle des enfers tant décrit pour sa violence et sa lubricité dans les tableaux du moyen âge, est ici celui du vide et de l’interpellation des morts entre eux.
Ce qui était significatif, c’était le faible temps passé par les visiteurs dans l’exposition.
On est très loin de la légèreté sur laquelle voudrait finir Boltanski !
Métaphysique, exit.
_Mais ce n’est pas la déclaration de Goya Nada, cliquez ici
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Voir aussi
Le rideau de perle Felix Gonzalez-Torres, comme rite de passage, cliquez ici
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