Le système d’élaboration des toiles de Guillaume Bresson reste inchangé : il commence par un travail préparatoire de séances de photographie avec modèles dans son atelier. Ceux-ci se prêtent ainsi à une mise en scène de leurs corps, proposant pour cette série des poses sur le thème de la chute, mouvements théâtralisés, qui ne sont pas sans évoquer les chutes des jugements derniers de la peinture religieuse. La suite de ce processus consiste à isoler les corps, que l’artiste détache pour les re-agencer en groupes, construisant ainsi ses tableaux dans lesquels les mêmes personnages peuvent se retrouver plusieurs fois.
Mais, à la différence de ses précédentes peintures au caractère social marqué, cette nouvelle série se libère des éléments architecturaux et des perspectives. Ici, les personnages sans appui évoluent dans des milieux mouvants, vagues, nuages, ou se détachent sur un fond noir indéterminé, focalisant l’attention sur leur chute.
Le traitement méticuleux, de l’anatomie est souligné par un jeu de clairs-obscurs, qui se continue dans les plis des vêtements à demi enlevés. Plus que jamais dans l’œuvre de l’artiste, le physique des modèles est scruté sous tous les angles, avec un souci du détail qui n’oublie aucun muscle, plissement de peau, articulation ou contorsion des membres. La peinture de Guillaume Besson doit s’examiner de près tant les détails de réalisation sont divers, comme le granulé de la peau, de la toile, ou le type de support.
Si les jeans et autres habits revêtus par ces personnages sont contemporains, le travail sur les plis évoque les draperies des peintures anciennes, oscillant entre le présent et l’intemporel par le jeu polysémique que permet la peinture.
En reprenant l’archétype du tableau de jugement dernier, un motif investi par des artistes allant de Giotto à Tintoret en passant par Michel Ange et Rubens, Guillaume Bresson interroge la fonction de cette représentation qui traverse les âges, depuis les scènes religieuses de la Renaissance jusqu’aux grandes représentations dystopiques contemporaines. L’artiste met ainsi en parallèle cette théâtralisation avec des références cinématographiques de films apocalyptiques tels que 2022, Don’t Look Up, Le Jour d’après, Impossible... où les peurs et angoisses liées à la fin du monde et aux catastrophes climatiques sont mises en scène de façon spectaculaire par Hollywood.
Le lyrisme des poses des acteurs de Guillaume Bresson tisse un lien entre la scénarisation de films hollywoodiens et les scènes de la peinture classique.
On peut noter l’analogie/la réinterprétation des postures mais aussi de l’environnement, comme la vague de Tintoret.
Si ces corps en perte de repères marquent une nouvelle direction dans l’œuvre de Guillaume Bresson, celui-ci ne se détache pas moins des questionnements sociétaux qui jalonnent ses tableaux. Une humanité qui explose, sans référence à un jugement, mais où est exprimée cependant une solidarité jusqu’au bout.
L’approche de Guillaume Besson a fait des émules, comme Dhewadi Hadjab à qui sont confiées deux peintures monumentales pour le porche de Saint-Eustache.
Dossier de presse
Jean Deuzèmes