Jean-Louis Courtinat porte à sa manière les idéaux de la photo humaniste, représentée notamment par Robert Doisneau dont il a été assistant dans les années 80 ; il est un photographe de la responsabilité à l’égard des autres. « Au bout de mes objectifs, je vois la misère, la souffrance, les beaux, les méchants, la haine, la générosité… Mais, je crois souvent aller au-delà de ma vision, au cœur de la vie des autres. C’est peut-être ce que je fais de plus important » (écrit-il sur son site).
Il porte aux personnes résidant dans un lieu alternatif des institutions psychiatrique un regard doux, empathique, et il associe à son travail le personnel d’animation et soignant.
La partie de cartes : Pauline, éducatrice, joue avec Monique,
sous les regards inquiets de Stéphanie et Joël.
C’est ainsi qu’il s’est rendu plusieurs fois en Belgique, dans le foyer Chrysalis accueillant onze personnes handicapées mentales qui, comme des milliers d’autres, n’ont pas trouvé de refuge en France, soit par manque de structures d’accueil, soit à cause de leurs troubles du comportement.
Stéphanie et Lily sont psychotiques.
Lily veille sur Stéphanie. Elle la raccompagne dans sa chambre.
« Ce lieu, au sein duquel sont apaisées bien des détresses, est empreint d’une grande humanité. Il y règne un véritable esprit de famille, dans lequel je me sens bien. »
Le titre du texte présentant sa démarche est significatif de son extrême respect : « Quelques emprunts d’âmes » comme s’il les saisissait et les rendait après « avoir pris » (comme on le dit maladroitement) des visages ou des corps en photo.
Les parents de Vincent viennent de le quitter. Très perturbé par leur départ,
il se réfugie dans sa chambre et serre contre lui son petit piano.
« Cette famille, je vous la donne à voir, à regarder, à considérer, à ressentir. Je vous la présente comme dans une pièce de théâtre. En voici les acteurs : Stéphanie, Joël, Mario, Chantal, Patrick, Sandra, Monique, Willy, Lily, Jordan et Vincent. Ils vont évoluer devant vous, au gré de leurs humeurs et de leurs angoisses.
Chacun d’eux vit dans un monde dont personne n’a les clefs, un univers incompréhensible, imprévisible et chaotique. Ils déambulent dans leur labyrinthe intime. Parfois, ils sont sereins et apaisés. Moment magique, leur visage s’irradie, ils semblent heureux, l’espace d’un instant. »
Les résidents prennent leur repas ensemble,
hormis Sandra et Stéphanie incapables d’intégrer le groupe.
Le principe est simple : une photo noir et blanc, splendidement cadrée, et une phrase courte, voire un simple nom, sans date, sans dimension, au-delà du temps, comme ce que l’on pourrait dire d’une âme.
La posture est claire : « Pour un photographe, vivre dans ce lieu, c’est comme entrer en religion. Cela demande une attention et une disponibilité permanentes. Ici on ne triche pas. Chaque photographie se mérite. Point de mitraillage intempestif, mais douceur et délicatesse. »
Isabelle et Amélie, éducatrices, tentent de coiffer Sandra.
Monique, 55 ans, se prépare pour la messe,
qu’elle ne rate sous aucun prétexte.
Sandra est insomniaque. La nuit, elle déambule dans le service et se pose sur le tapis de l’entrée.
Joël, 69 ans, est le plus âgé des résidents.
Il ne maîtrise que quelques phrases qu’il répète en permanence.
Isabelle, éducatrice, s’efforce de communiquer avec lui.
Stéphanie et Sandra n’ont aucun usage de la parole.
Le soir, elles se rapprochent timidement l’une de l’autre.
Jean Deuzèmes
Un splendide petit catalogue est en vente à 22€
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