Créée en 1984, inspirée par Dominique Perrin le président encore en poste, la Fondation Cartier pour l’art contemporain est née de deux initiatives : un happening largement médiatisé de la destruction au bulldozer de 4000 montres Cartier de contrefaçon mexicaine et la demande insistante de l’artiste César cherchant un lieu d’exposition hors normes, notamment pour ses propres sculptures monumentales ; ce fut Jouy-en-Josas, avant le déménagement en 1994 boulevard Raspail dans un espace de 1200 m2.
La Fondation est un lieu apprécié, certes par toute une classe créative qui s’y nourrit mais aussi par un public populaire qui y goûte la qualité émotionnelle des présentations et l’originalité des approches. On est surpris à chaque visite par la qualité des scénographies. C’est Cartier ! Avec sa recherche d’une certaine perfection moderne et son souci de la diffusion propre aux industries du luxe, mais totalement différent de l’esthétique du joaillier ; à l’opposé de ce qu’on a appelé le « clergé culturel » que Beaubourg incarnerait plutôt.
Lancée comme une entreprise, avec un business plan solide, elle est toujours animée par des visionnaires et s’est assurée d’une belle relation avec des centaines d’artistes. C’est une sorte de laboratoire permanent fondée sur trois principes :
– la place accordée à l’artiste et à la création : que d’artistes à peine connus -ils avaient à peine vingt ans- ou de stars y sont passés, que de jeunes commissaires y ont fait leurs armes
– en second, la transversalité et l’ouverture y ont été systématiques ainsi avec l’exposition sur les mathématiques (voir V&D) ; Hommage à Ferrari –des voitures dans un centre d’art- ; Patti Smith, la rockeuse-écrivain-photographe ; David Lynch : que d’initiatives a priori bizarres ont permis de révéler l’originalité des points de vue
– enfin et surtout, la coupure radicale entre la Fondation et la Maison Cartier. En effet, gérée par la Fondation de France, cette fondation jouit d’un statut exceptionnel : elle peut vendre les œuvres qu’elle commande. En conséquence, le dialogue avec les artistes s’est construit sur cet achat de nombreuses œuvres exposées et l’argent des reventes a été totalement investi dans le développement et les nouvelles expositions. Autre signe d’indépendance, les artistes n’ont jamais été sollicités pour concevoir des produits de joaillerie Cartier, contrairement à LVMH, qui a exposé et demandé à Yayoi Kusama – avec ses pois rouges- d’exposer et de créer pour eux.
« Mémoires vives » rassemble un choix d’œuvres séduisantes, ironiques et souvent monumentales, dans le jardin et le bâtiment. Il faut noter la dernière innovation : un immense écran de minuscules ampoules Led qui permet de voir des films d’artistes en plein jour avec, en arrière plan, le jardin lui-même.
Visiter l’exposition et se reposer dans le jardin est un plaisir d’été.
[**Parmi les œuvres à voir*]