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HOMMAGE D’HÉLÈNE MICHEAU À FRANÇOISE

lundi 29 juillet 2024

Fête du Merveilleux, 29 juin 2024, Chateau de Montgoger

Maman,

Nous n’avons pas eu le temps de nous dire au revoir.
Personne n’a eu le temps.

Vendredi, tu étais à la maison, c’était l’heure de démarrer la journée, tu attendais dans la joie tes petites-filles qui étaient en chemin, mais le COVID t’a cueillie en qqes instants.

Il y a des départs rapides, celui-là en fait partie. Tout en discrétion, c’est bien toi.
Il y a des départs trop tôt, celui-ci rentre clairement dans cette catégorie. Il y avait encore tant à partager ensemble.
Il y a des départs sans souffrance, en douceur, et même si on ne le dit pas, nous sommes heureux pour toi que ce fut de cette manière-là.

Alors, Maman, je vais te dire au revoir maintenant.
Je voudrais te rendre hommage, te dire que je te suis immensément reconnaissante, et je ne suis pas la seule.
Tu as réussi à créer du savoir, créer une famille, créer du lien, transmettre, être.

Tu as tant laissé, si tu savais. Je vais te dire, et dire à tous, avec quoi nous repartons, avec quoi je repars.

Tu nous as appris la générosité.
Maman, tu as été d’une générosité grande comme ça.
Sur tous les plans.
Dans la manière d’être aux autres, d’être attentive, de rendre service (même si c’était dur pour toi de ne pas pouvoir faire tout ce que tu aurais voulu), de donner (beaucoup), d’ouvrir. Ouvrir la porte de chez toi, ouvrir tes bras, ouvrir la porte de ton cœur.

Tu étais présente pour tous. Une présence de cœur, une présence de chaque instant. C’était rassurant. Tu répondais au téléphone tout le temps, facile avec tes oreillettes intégrées. Et toute la famille en a bénéficié. C’était bon d’entendre ton « allô, attends je me connecte ».

Je rends hommage à ton investissement.
Investissement associatif, que cela soit avec les syndicats étudiants, dans le scoutisme, l’accueil à St Merri, ou plus récemment dans l’association de solidarité Aires 10.
Investissement dans les petits et les grands moments de vie de famille. Tu voulais tellement que ça marche !
Investissement dans la vie du Buisson, l’habitat participatif dont Papa a parlé.
Et bien sûr ton investissement dans tes recherches universitaires, dans les travaux avec tes collègues ou tes étudiants, qui étaient bien plus que des collègues ou des étudiants.

Tu étais un pilier pour tous, pour chacun.
J’honore ton implication et ta fiabilité. Merci pour cela, nous -chaque membre la famille- repartons avec cela.

Tu as eu à cœur de transmettre. A tes étudiants. A tes enfants. A tes petits-enfants.

Nous ne repartons peut-être pas avec tout ce que tu nous as appris -désolée, l’Histoire du Monde Arabe que tu m’avais si patiemment enseignée lors d’un voyage en Syrie, bon…, il faudra que je retrouve mes notes-
mais nous repartons tous avec cette soif d’apprendre, de découvrir que tu nous as transmise.
Des exemples, nous en avons à la pelle :
les voyages vers de nouvelles destinations à chaque fois,
la lecture du guide vert à chaque église romane ou gothique, qu’on le veuille ou non,
les devoirs en rhab après l’école (on n’est pas enfants de profs pour rien),
les romans que tu nous lisais le soir chapitre par chapitre, comme les 1001 nuits,
le soutien sans faille de ma sœur autour l’éducation des enfants (t’inquiète Margot, on sera là),
ou les magnifiques moments partagés avec tes petites-filles, même à distance.
A chaque fois, il y avait des histoires, des questions, des échanges.

Tu as élevé une famille, au sens noble du mot élévation. Tu l’as fait pour nous, avec nous, merci pour cela.

Tu nous aussi fait apprécié le goût des mots. Oh, oui !
Tu aimais choisir tes mots avec précision et tes phrases coulaient joliment même pour des textes fort sérieux. Je repense à l’introduction d’un de tes livres, Les débuts de l’Islam, que tu m’avais fait lire avant publication. J’avais été impressionnée et touchée, je ne pensais pas que cela puisse être si plaisant à lire !
On te doit les relectures des ouvrages, articles, et textes importants que nous écrivions dans la famille. Je ne vais pas citer lesquels, ça serait un peu éventer un secret !

Tu nous as appris Maman ton incroyable sens de l’organisation. Rien ne te faisait peur, tu te retroussais les manches, et organisais que cela soit des travaux de recherches, un séminaire, un voyage, une fête, ou les mille trouvailles pour une vie de famille organisée quand nous étions petits (je pense à la roue des services ou le compte vêtement, très malin) ! Nous en avons tous bénéficié et hérité.
Je crois que je n’aurais pas fait tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, sans ce sens de l’organisation. Et il en est de même pour mon père, mon frère, ma sœur.

Maman, tu disais que je savais rebondir, nous parlions de résilience. Quand je vois Papa et toi, nous savons de qui tenir. J’honore ici, et je ne suis pas la seule, ta force, ta manière de tenir bon dans la tempête. Que cela soit dans ta propre histoire familiale, dans celle de notre famille, et bien sûr depuis l’accident d’équitation. Sans te plaindre. Nous savions ta douleur, même si nous ne pouvions vraiment l’embrasser pleinement. Tu avais peur d’être un poids, tu prenais tellement sur toi.
Maman, quelle force !
Et ça tu nous l’as donnée. Et cette force, cette résilience, on va en avoir en avoir besoin avec ton départ. Je ne réalise pas encore.

Tu sais… Quand je pense à toi, je te revoie en fauteuil. Alors que les ¾ de ta vie étaient tout autre. Je voudrais ici célébrer et faire revivre toutes ces années-là. Pour que nous n’oublions pas. Ton énergie. Ta silhouette. Ton pas reconnaissable entre mille avec ta manière bien à toi de taper le talon. Ton goût pour la randonnée, avec ton mari, tes enfants, tes amis. Goût que tu tiens de tes parents. Que tu nous as transmis également.
Un an avant ton accident, tu m’as rejointe pendant mon Tour du Monde et nous avons marché une semaine en Patagonie, une des plus belles randonnées du monde. Ce fut dur. Un vrai dépassement de soi. Tu l’as fait avec moi, et tu en étais fière. Tu as passé tes premières années d’hôpital à te remémorer ce chemin km par km, car cela te rendait heureuse. Je te le remets en mémoire si besoin était, et je voudrais rappeler aussi à ceux qui sont là aujourd’hui que tu étais cette femme-là. Debout. Quoiqu’il arrive.

La presque dernière fois que je t’ai vue, c’était lors d’un week-end de féérie sous le signe du Merveilleux. Tu étais rayonnante à discuter avec tous les amis. Nous avons ri. Et c’était bon. Tu étais tellement heureuse de partager ce moment-là, et heureuse de me voir, de nous voir, heureux. Au moment des félicitations et des remerciements, tu as dit à toute l’assemblée : « vous voyez, chacun peut contribuer, quelle que soit sa condition  ». Message reçu 5/5. Une leçon de vie.

Il y aussi plein d’autres choses pour lesquelles je te suis reconnaissante : la manière de te réjouir du bonheur des autres donc, ton regard positif, ta soif de comprendre l’autre, et… ta grande sensibilité.

Et évidemment, le rituel de l’apéro ! Avec le fameux verre de whisky donc.
Les apéros que tu chérissais, ces moments si propices à la discussion, où nous nous posions, où nous étions en paix. Parce que les relations pacifiées étaient ce que tu souhaitais tellement.
Alors Maman, nous allons tous nous retrouver tout à l’heure, dans les jardins du Buisson, avec tous ceux qui sont venus aujourd’hui malgré le travail, les vacances, les JO…
Merci à vous d’être venus. Vous êtes invités après la célébration.

Pour finir, Maman, quand je pense à toi, quand nous pensons à toi, la chose la plus grande qui vient à l’esprit, c’est ton amour.
Tu nous laisses une énorme bouffée d’amour. Fort. Et avec ton brusque départ, il est présent, de manière décuplée.
Comme tu aimais les histoires, je vais t’en rappeler une. Quand nous étions petits, tu nous avais expliqué que l’amour, c’est comme la flamme d’une bougie, tu peux en donner, et en donner… pour autant il ne diminue pas. Au contraire, plus tu le partages, plus il grandit.
Et ça Maman, cet amour-là, c’est pour toujours.

Merci.

Au revoir.

Je t’aime.