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RAY RICHARDSON. L’HOMME AU CHIEN
samedi 13 avril 2019
Au loin coule la Tamise. Au loin, l’opulente City, inaccessible. La scène l’ignore. Elle se passe là où a toujours vécu Ray Richardson (°1964), à l’ombre des anciens chantiers navals de Woolwich et au cœur des HLM où l’on cause Cockney. Là où pour survivre, il faut être un dur, un gars solide sur ses jambes et toujours prêt à en découdre. Lorsque l’artiste, par ailleurs joueur de foot à Tottenham annonce à son père, sa décision de devenir peintre, celui-ci lui répond : « peintre en bâtiment ? ». Et le voilà pourtant collègue d’un certain Damien Hirst à la célèbre St Martin’s School dont il sort avec une certitude qui ne l’a jamais quitté : « je ne peins que ce que je connais ». Entendez, le monde ouvrier, les rencontres de dealers, les bagarres, la rue, les quais, les murs usés, la vie de la débrouille avec ses moments de solitude et ses rires d’enfants. Mais à la différence des Basquiat and Co, son œuvre s’ancre dans la tradition de la grande peinture des musées et… du cinéma de Scorcese.
Avec un dessin précis et des couleurs retenues, on le devine d’abord préoccupé par l’effet d’image arrêtée projetant le spectateur dans l‘instant décisif, mais dont il ne saura rien. Que va-t-il se passer ? Que s’est-il passé ? L’intrigue domine comme dans les scènes d’Edward Hopper, mais en lieu et place des chambres d’hôtel, ce sont les docks qui cadrent le propos. Si on ressent le poids d’un samedi à l’heure d’une première cigarette avec vue sur les quais au repos (mais qu’on ne verra pas), on s’interroge davantage sur l’identité du personnage aux lunettes noires qui, en ce même jour suspendu, nous fait face au second plan ? Que cherche-t-il sinon l’évidence d’une journée comme les autres ? Et la petite fille au skate ou cet autre enfant, à demi coupé par le cadre ? Au premier plan, quel rôle joue ce bull-terrier anglais qui n’est sans évoquer les combats de chien auxquels sa race fut longtemps associée ? Ne cherchez pas : c’est l’ami le plus proche, le plus fidèle et le plus doux du peintre, celui que ce dernier considère comme son alter ego et son porte-parole. À lui donc l’honneur du premier plan et de son imperturbable présence. Il nous fixe regardant une scène dont nous serons étrangers. Tout s’est figé et même le ballon (mais est-ce vraiment un ballon ?), ce détail intrusif qui fait grincer l’ensemble.
À Londres, les amateurs s’arrachent ses œuvres. À Bruxelles, il expose pour la deuxième fois.
Guy Gilsoul
Bruxelles, Galerie Zedes. 36 rue Paul Lauters (1050). Jusqu’au 27 avril. Du mercredi au vendredi de 12h à 18h. Samedi de 14h à 18h. www.zedes.art.gallery.be