Un site de découvertes de l’art contemporain en résonance avec le projet culturel et spirituel de Saint-Merry-hors-les-Murs

V&D sur instagram

Accueil > Actualité > AGATHON. CECI EST MON CORPS. GALERIE LITHIUM < 14-06-18

AGATHON. CECI EST MON CORPS. GALERIE LITHIUM < 14-06-18

dimanche 27 mai 2018

Ce titre d’exposition n’est pas une provocation, mais un « cri Street Art » tout en peinture, sur fond de vitraux de Chartres. Son auteure : Agathon [1] , une plasticienne, née en 1979, qui vit et travaille à Paris depuis la fin des années 90, et expose dans des espaces publics et privés les plus divers.
Cette parole qui relève du sacré et du mystère chrétien, mais aussi de la revendication féministe est donnée à une série de toiles dont le thème est le génocide, tous ceux que le XXe siècle a pu connaître.

« Comme une offrande tendue à une humanité hantée par les génocides, l’Holocauste, la dictature Khmer Rouge. Ici et là durant cinq années des dictateurs ont déporté, torturé, massacré des peuples instruits, au nom de la pureté du nouveau peuple. Anéantir les origines : chaque génocide veut systématiquement détruire les corps et les noms. « Ceci est mon corps ! » fut mon projet, mon travail de cinq années aussi, ma... religion pour construire créer une exposition installation pour faire plonger le visiteur dans son intérieur pour lui faire voir et sentir la splendeur du corps et la haine de la souffrance infligée »

Les toiles d’Agathon débordant de couleurs, entre art urbain et figuration libre, sont pleines de squelettes, sans appartenir à l’esthétique gothique. Le sens est clair : ces os sont les éléments communs à tous les hommes, quels que soient les couleurs de peau, les religions, les lieux où les atrocités peuvent être commises. On ne les voit pas, mais ils nous structurent. Le squelette, le crâne sont plus des radiographies de l’homme que des restes de charnier ou des têtes de mort. Ce n’est pas la célébration de la mort qui est ainsi dessinée, mais la vie qui résiste, celle des militants qui dénoncent ces situations.

Les toiles incluent de l’écriture splendidement peinte, toute en rondeur, en contraste avec le sens de la phrase, à l’image de ce que l’on observe en bas des vitraux anciens ; ici, non pas des versets bibliques mais des textes de l’artiste qui expriment le fond de sa pensée, sa sensibilité du moment, son humanité, comme un Job qui serait devenu un artiste de la rue.

« CRUCIFIONS AGATHON : écorchée vive ! Ta sensibilité à fleur de peau et te tuera à petit feu… Si bouffer de la vache ENRAGEE faisait grossir je serais énorme !!! »
« HABEAS CORPUS : le vertige de vivre, d’exister… inépuisable. Ne plus fuir, m’anéantir pour si peu »

Agathon est un art toujours actuel, une écriture actuelle (cf. V Despentes, A. Nothomb )

Les fonds de toile sont d’un bleu profond et scintillant.

« L’aventure a commencé un dimanche à Chartres devant le vitrail de Marie-Madeleine. C’était en 2012 et depuis je n’ai eu de cesse de m’approprier ces lumières. Ce fut « AT », une verrière composée de 5 toiles, que je mettrai deux années à réaliser. La verrière de Marie-Madeleine dans ses moindres détails, reproduite, mais totalement réfléchie sur le corps souffrant.
[…] Il fallait aussi s’interdire toute religion pour ne garder que le magnifique, la splendeur des vitraux du XIIe siècle à Chartres, splendeur capable paradoxalement d’offrir à la vue le corps et ses intérieurs. Tenter aussi et surtout de traduire un génocide incarné, une étoile jaune, les camps, des racines enfouies dans les blessures, des origines parties en fumée à Auschwitz-Birkenau.
« AT » fut le point de départ. Il fallait alors suivre un travail devenu évident. Ce fut une seconde verrière, un triptyque cette fois, avec toujours les graphismes et les couleurs
 de Chartres comme obligation. Reproduire les graphismes de manière obsessionnelle si infimes soient-ils, car comme l’avaient compris les vitraillistes du XIIe siècle, les détails répétitifs des alentours, loin d’orner, font éclater les sujets centraux. Ici les corps.
Puis mes autoportraits « Rupture » en trame de vitraux. Puis travailler autour du squelette , « Crucifixion », « Werther », « Habeas Corpus ». Mon squelette, Mon corps. Ton squelette, ton corps à toi tout un chacun. À travers un squelette qui pourrait être le mien, le vôtre, je veux revendiquer la notion d’individu dans sa splendeur et sa liberté sans chair, sans enveloppe, sans mort. Il s’élève, fier et libre. »

Elle aurait pu s’appuyer sur Goya, elle a choisi des anonymes et fait un saut du XIIe au XXIe siècle. Le spirituel n’a pas d’âge.
C’est splendide et impressionnant.

Mais Agathon est aussi jubilatoire, avec ses plats et ses skate-boards totalement décorés, dans un style qui parle à tous, enfants et adultes, car la vie éclate dans tout ce qu’elle peint ou sculpte.

Jean Deuzèmes

[**Saint-Merry est une église qui accueille des évènements street art, en live directement dans son bâtiment.*]
Lire >>> Article sur la semaine 2016 dans Voir et Dire
En 2019, sera organisée une nouvelle manifestation

Les chemins d’Agathon. Galerie Lithium. 6 rue Saint-Blaise. 75020 Paris
Du 26 mai au 14 juin 2018

Site de l’artiste : https://agathon-art.fr

Dossier de presse d’Agathon

Retour page d’accueil et derniers articles parus >>>

Recevoir la lettre mensuelle de Voir et Dire et ses articles ou dossiers de commentaires d’expositions, abonnez-vous >>>
Merci de faire connaître ce site dans vos réseaux.


[1Agathon est une figure emblématique d’un courant du Street Art issu de la Figuration libre des années 80 : autodidacte, énergique, imaginative, coloriste débridée, convaincante. Elle dessine tout sur tout à l’aide de traits noirs épais. Son corps tatoué est aussi une toile où se lit la même rage de vivre.