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MICHEL JOURNIAC. MEP
mardi 6 juin 2017
Toujours aussi corrosive, l’exposition, « L’action photographique » à la Mep rend un hommage à un artiste (né en1935 et mort d’un cancer en 1995) qui, initiateur de l’art corporel en France, a marqué l’art des années 1970 et 1980 et a été source d’inspiration pour de nombreux artistes. Contestatrice, quoique contestable, cette exposition en dit long sur la faiblesse du sens critique de l’art des années récentes, hormis chez les caricaturistes.
« L’exposition réunit une centaine d’œuvres qui recouvrent les grandes thématiques de l’artiste : les Pièges, les Rituels, les Contrats et les Icônes. À travers une pratique protéiforme parodiant des rituels religieux ou sociaux, il s’interroge sur les jeux d’identité et remet en question la morale, la sexualité ou le sacré. C’est par la photographie qu’il conserve en grande partie les traces de ces actions, sorte de parachèvement de la démarche laissée en suspens. Ses photographies font revivre le corps, l’authentifient, lui redonnent un sens politique en y infiltrant même une mémoire collective des marges. Prophétique, son œuvre dégage une véritable énergie poétique, privilégiant l’écart, l’affût, le saut de côté, motivée par un état d’esprit totalement émancipé et libre. » ainsi le présente la MEP
Ancien séminariste et autodidacte en art, homosexuel déclaré il ne cesse de déranger encore aujourd’hui par sa lecture du sacré, dont la « Messe pour un corps » de 1969 garde la puissance de scandale. Il y disait les paroles de consécration du culte chrétien et donnait à communier des tranches de boudin fait de son propre sang. Cette œuvre qui engendre le malaise chez les croyants voit pourtant juste quand elle insiste sur le fait qu’un rituel n’est pas autre chose qu’une performance. En s’habillant d’une combinaison noire, en prononçant les paroles de la consécration en latin alors qu’on avait abandonné cette pratique en 1965, l’artiste se situe dans la sphère du comportement magique, comme l’étaient les messes noires. Il ne revient pas à l’acte initial, le partage du pain, mais détourne la puissance symbolique d’une parole, en la raillant et en la prenant au premier niveau, l’anthropophagie ; il détournait complètement le sens avec sa position d’artiste-clerc semblant exorciser son expérience de séminariste dans une église des années 60 encore engoncée et ne voyant pas la puissance contestatrice de l’art.
Le sang a occupé une grande partie de l’œuvre de Michel Journiac, parce qu’il avait du corps une vision radicalement pessimiste ou dépressive, un « tas de viande socialisée », un peu comme un Francis Bacon.
Une des œuvres les plus convaincantes a été l’envoi de billets de 100F tachés de son propre sang aux responsables du monde l’art qui n’avait pas pris position vis-à-vis de l’affaire du sang contaminé en 1993.
Transgressif de tout, il a aussi malmené les concepts de la psychanalyse triomphante à l’époque, en jouant des concepts dans des mises en scène Queer et en mobilisant ses parents. Là encore, il s’agit d’une lecture railleuse, au premier degré, de réalités bien plus complexes de la psyché.
Homme complexe, fondamentalement libre et engagé, son œuvre mériterait une analyse critique sur le fond par l’anthropologie.
En l’exposant à nouveau, le commissaire Vincent Labeaume dit de lui " il ne sera jamais un artiste à l’ordre du jour, plutôt du désordre du jour"
Jean Deuzèmes
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Exposition 20.04.2017 - 18.06.2017
MAISON EUROPEENNE DE LA PHOTOGRAPHIE