Un entretien en forme d’ouverture à un univers qui a marqué beaucoup de visiteurs
V&D : D’où viennent vos photographies ?
WQ : Ce sont des images mentales. Elles ne viennent de nulle part, elles peuvent être trouvées n’importe où dans le monde entier. J’utilise le médium de la photo car il nous permet l’accès à la sensation de mémoire, la mémoire d’un instant ; c’est du temps suspendu. Je parle du temps qui s’arrête, qui se fige. La vie humaine est un trajet dans le temps ; ce qu’on peut saisir, c’est le rythme et le souffle de l’espace et du temps.
Le vide. Vos images en sont pleines. Le titre de votre série est explicite et percutant. Parlez-nous de votre attrait pour l’état que vous manifestez devant vos paysages ?
Cette série de paysages rend compte de mes recherches successives sur le vide. Pour réaliser ce travail, j’ai effectué pas mal de voyages toute seule en Europe et en Asie avec mon appareil photo, à chaque fois, je me retrouve dans la nature toute seule face à un vide qui me submerge, je ressens l’immensité de l’univers, l’éternité de la nature, et la médiocrité, l’incapacité de l’être humain. Comparées à cette grandeur, les douleurs, les sensations humaines sont si absurdes et si insignifiantes.
Dans l’interprétation musicale, le Vide est traduit par certains rythmes de syncopes, mais avant tout par le silence. Avec mes photos, c’est un peu pareil. Je ne raconte pas d’histoire, je baigne encore une fois dans des moments de sérénité, je propose au spectateur de se vider, de prendre le temps du regard et d’être à l’écoute du silence de l’image.
Par le Vide, le cœur de l’homme peut devenir la règle qui mesure ou le miroir qui reflète soi-même ainsi que le monde.
Peut-on dire de votre approche qu’elle est philosophique ?
Je cherche à travailler sur la destinée humaine, sur le rapport entre l’homme et l’univers. Pour mettre en scène cette philosophie, dans ma photo j’ai mis en composition la terre, la mer, le ciel et, comme un souffle vital, les traces humaines qui animent l’univers et qui en sont, en même temps, parties intégrantes. Dans ce schéma, l’homme ne se trouve jamais au centre de l’image, toujours un peu perdu ou presque disparu dans le paysage ; cette composition qui est à l’origine de l’esprit de la peinture du paysage traditionnel aimerait révéler cette vérité "L’homme n’est pas le centre de l’univers." C’est une philosophie fondamentale de la relation entre l’homme et la nature, de la conception du cosmos.
Quel est le lien avec votre culture chinoise ?
Mes photos voudraient capturer de manière contemporaine le sens de la composition, de la forme ou des éléments que l’on trouve si fréquemment dans la peinture chinoise.
Avez-vous d’autres références privilégiées ?
Je parle aussi de la ligne infinie. J’ai souvent choisi des schémas où l’horizon se poursuit à perte de vue. Cet horizon semble déborder du cadrage et doit susciter l’imagination. Cette ligne d’horizon ainsi que les zones de couleur presque monochromes relèvent de l’abstraction, dans l’esprit de ROTHKO.
MARK ROTHKO -Sans titre-1957-huile sur toile-143 x 138 cm-Collection particulière
Ce lien avec Rothko est très fort dans une autre série de vos photos.
Votre travail est immédiatement accessible et fascinant, car il est poétique et vise à l’essentiel.
J ’essaie de dire les choses sans nécessairement les montrer. Dans mes sujets j’essaie toujours de toucher les gens de manière indirecte. Ensuite, ma manière d’observer les choses crée un esprit, une beauté plastique. Tous les photographes possèdent une sorte d’esthétique, la mienne est peut être plus poétique ; j’essaie de créer les images dans lesquels on pourrait se promener, on voudrait demeurer ou même vivre. Je crois que ces photos permettent aux gens de s’arrêter réellement et de réfléchir.