NikiNeuts, née en 1966, vit et travaille dans la Sarthe. Elle aime l’accumulation, les superpositions et stratifications qu’elle réalise avec force de traits ou d’encres.
Elle expose un monde symbolique complexe où les règnes animal, végétal, animal et humain s’hybrident dans d’étranges chimères.
Ce monde intérieur, surréaliste élaboré en noir et blanc côtoie des peintures de paysage qu’elle qualifie de sauvage, en encres noire et verte sur papier et carton, entre expressionnisme et abstraction, évoque sa vision du temps et de son cycle.
Il en va ainsi d’un jardin imaginaire et artificiel au sein d’une chapelle dont les murs sont en briques de mousse recouvertes de tissus peints et cousus à la main.
« Aujourd’hui, nous construisons des ’’murs’’ pour nous protéger, que ce soit littéralement ou métaphoriquement. Ils peuvent être des barrières physiques, mais aussi émotionnelles ou psychologiques. Ils nous isolent non seulement des dangers, mais aussi des opportunités de connexion humaine et de solidarité. »
VAM, née en 1969, vit et travaille dans l’Oise. Elle connecte les règnes végétal et humain en imaginant des corps qui s’enracinent ou bourgeonnent, greffés à l’aide de fil de soie. « On ne sait pas encore si l’un ou l’autre va prendre le dessus ou si les deux vont co-exister, alors que ce sont deux mondes radicalement différents qui par définition ne devraient pas fusionner. On parle beaucoup de l’homme augmenté par la technologie, une vision que je trouve à la fois merveilleuse et effrayante, mais au lieu d’être augmentée par quelque chose d’artificiel, mon propos était d’imaginer un corps augmenté par la nature. »
Il y a de la blessure dans son œuvre, comme la main de papier transpercée par une légère tige de bois, ou dans un visage dont les morceaux flottent dans une grande boite transparente, Transplantation 4.
Mais elle affirme aussi un désir de réparation avec ses photos déchirées et recousues avec des morceaux d’écorce. Les cartels de ses œuvres l’attestent : transplantation, greffe, mue, peau. « La frontière entre le matériel, le corporel et le végétal s’efface pour laisser place à une nature hybride. »
Cependant, certaines œuvres sont très ambiguës, comme « Infernale », cette broderie sur chemise ancienne, végétaux, bois et fil de soie où le rouge ne représente pas seulement le sang, mais aussi les flammes qui menacent les êtres.
Comment ne pas faire un lien visuel avec une grande œuvre surréaliste de Dorothea Tanning, Birthday,1942 () où une femme habillée d’une robe faite de racines se trouve devant une enfilade de portes ouvertes, une image labyrinthique de son intérieur psychique ?
Chez les deux artistes, il y a une dimension spirituelle, voire religieuse, qui transparait dans les œuvres ou les accrochages.
Chez NikiNeuts, les bras écartés de son « Ceci est mon esprit » ou les références aux putti et tableaux baroques, une chapelle, ne laissent aucun doute.
Chez VAN, les petits dessins disposés sur un mur comme des ex-votos dans une chapelle expriment le talent de dessinatrice de l’artiste.
Il y a des questionnements communs chez les deux artistes : un désir d’accéder par l’art à un autre monde intérieur ou extérieur, l’expression d’un besoin de se reconnecter à une nature à la fois protectrice et nourricière sans cacher leur inquiétude pour le monde que l’on fabrique aujourd’hui.
Une exposition originale en dehors des circuits habituels à voir à Compiègne.
Jean Deuzèmes