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NikiNeuts / VAM. Habitée



Avec leurs installations et dessins, deux artistes en grande connivence proposent des métaphores de leur espace intérieur en le reliant avec la nature. Une initiative heureuse de la galerie de l’Est (Compiègne)

VAM, Transplantation 5, 2024

À l’heure de la grande exposition sur le surréalisme au Centre Pompidou, la galerie de l’Est, à Compiègne, invite deux plasticiennes françaises à exprimer leur monde intérieur. Leurs travaux sont reliés à la nature dans de multiples formes d’hybridation et puisent dans sa symbolique. Avec modestie, lucidité et inquiétude, les artistes développent une poésie visuelle au temps de l’anthropocène.

Proches par leur amitié, elles exposent de manière séparée et dans des styles très différents.
NikiNeuts met au centre de sa démarche une intériorité qui se protège et s’isole, créant des « murs de douceur ». Elle imagine des autels de l’ordinaire, des jardins métaphoriques et des reliques contemporaines en quête d’élévation spirituelle.
VAM, au contraire, se dissout et fusionne avec le monde végétal pour réinventer une solidarité universelle, célébrer une connexion hybride. Elle construit une nouvelle mythologie du monde qu’elle augmente par la nature.

Les artistes sont « habitées » de sensibilités en dialogue, leurs œuvres sont réalisées en puisant dans certains médiums traditionnels (broderie, couture, peinture sur tissu, encre).

NikiNeuts, née en 1966, vit et travaille dans la Sarthe. Elle aime l’accumulation, les superpositions et stratifications qu’elle réalise avec force de traits ou d’encres.
Elle expose un monde symbolique complexe où les règnes animal, végétal, animal et humain s’hybrident dans d’étranges chimères.
Ce monde intérieur, surréaliste élaboré en noir et blanc côtoie des peintures de paysage qu’elle qualifie de sauvage, en encres noire et verte sur papier et carton, entre expressionnisme et abstraction, évoque sa vision du temps et de son cycle.
Il en va ainsi d’un jardin imaginaire et artificiel au sein d’une chapelle dont les murs sont en briques de mousse recouvertes de tissus peints et cousus à la main.

NikiNeuts, Autel de l’intérieur, 2024

« Aujourd’hui, nous construisons des ’’murs’’ pour nous protéger, que ce soit littéralement ou métaphoriquement. Ils peuvent être des barrières physiques, mais aussi émotionnelles ou psychologiques. Ils nous isolent non seulement des dangers, mais aussi des opportunités de connexion humaine et de solidarité. »

VAM, née en 1969, vit et travaille dans l’Oise. Elle connecte les règnes végétal et humain en imaginant des corps qui s’enracinent ou bourgeonnent, greffés à l’aide de fil de soie. « On ne sait pas encore si l’un ou l’autre va prendre le dessus ou si les deux vont co-exister, alors que ce sont deux mondes radicalement différents qui par définition ne devraient pas fusionner. On parle beaucoup de l’homme augmenté par la technologie, une vision que je trouve à la fois merveilleuse et effrayante, mais au lieu d’être augmentée par quelque chose d’artificiel, mon propos était d’imaginer un corps augmenté par la nature.  »
Il y a de la blessure dans son œuvre, comme la main de papier transpercée par une légère tige de bois, ou dans un visage dont les morceaux flottent dans une grande boite transparente, Transplantation 4.

VAM, Transplantation, 2024

Mais elle affirme aussi un désir de réparation avec ses photos déchirées et recousues avec des morceaux d’écorce. Les cartels de ses œuvres l’attestent : transplantation, greffe, mue, peau. « La frontière entre le matériel, le corporel et le végétal s’efface pour laisser place à une nature hybride. »
Cependant, certaines œuvres sont très ambiguës, comme « Infernale », cette broderie sur chemise ancienne, végétaux, bois et fil de soie où le rouge ne représente pas seulement le sang, mais aussi les flammes qui menacent les êtres.

VAM, Infernale 2024

Comment ne pas faire un lien visuel avec une grande œuvre surréaliste de Dorothea Tanning, Birthday,1942 () où une femme habillée d’une robe faite de racines se trouve devant une enfilade de portes ouvertes, une image labyrinthique de son intérieur psychique ?

Chez les deux artistes, il y a une dimension spirituelle, voire religieuse, qui transparait dans les œuvres ou les accrochages.

NikiNeuts, Ceci est mon esprit, 2024

Chez NikiNeuts, les bras écartés de son « Ceci est mon esprit » ou les références aux putti et tableaux baroques, une chapelle, ne laissent aucun doute.
Chez VAN, les petits dessins disposés sur un mur comme des ex-votos dans une chapelle expriment le talent de dessinatrice de l’artiste.

NikiNeuts, 2023, Cycle 1691 et 1692
VAM, dessins en ex-votos

Il y a des questionnements communs chez les deux artistes : un désir d’accéder par l’art à un autre monde intérieur ou extérieur, l’expression d’un besoin de se reconnecter à une nature à la fois protectrice et nourricière sans cacher leur inquiétude pour le monde que l’on fabrique aujourd’hui.

Une exposition originale en dehors des circuits habituels à voir à Compiègne.
Jean Deuzèmes

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