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Dead line



Dead line aborde une question plus précise et plus forte : que fait l’artiste quand il a la certitude que le temps est désormais compté pour lui et qu’il ne peut plus se voiler la face ?


Cette exposition a des allures de processus expérimental, d’étude de cas (et à ce titre non généralisable à l’ensemble des artistes) dont le catalogue rend parfaitement compte, mais qui est immédiatement perceptible au spectateur. Dans l’urgence, car c’est bien le mot central, l’artiste rejoue sa vie, approfondit ses intuitions, mobilise tous les moyens possibles pour produire, y compris des équipes entières comprenant les assistants habituels et des soignants comme pour Hartung, Immendorf, Joan Mitchell. Ici, il n’y a pas de peinture de la déchéance mais de la rage de vivre (cf une vidéo de Absalon qui est un immense cri), souvent (mais pas toujours) d’être vivant et puissamment créateur (Hartung : 600 œuvres peintes en 2 ans !) jusqu’aux dernières forces, car c’est l’art et la puissance de la création qui restent et gagnent contre le temps. Certains comme Immendorf, Mapplethorpe, Kippenberger réexplorent l’histoire de la peinture, d’autres comme Gonzalez-Torres n’ont trouvé d’autres armes contre la mort que de transmettre en laissant leur œuvre se partager par les spectateurs eux-mêmes. À chacun sa stratégie d’homme, dans la subtilité du symbolique, dans l’éclat ou le cri. L’innovation des formes, plus souvent leur dépassement ou leur synthèse sont immédiatement perceptibles. Ces stratégies de travail que les artistes, défaillants dans leur corps, mettent en place sont une fantastique ode à la vie, à la bataille contre cette mort qu’ils sentent si proche, sans en connaître la date.

Le dernier autoportrait photographique de Mapplethorpe est un réel monument : le corps habillé de noir de l’artiste se fond dans l’arrière-plan totalement noir ; ressortent en blanc le visage vous regardant de face (oui c’est bien vous qu’il regarde !), sa main s’appuyant sur le pommeau de sa canne sculpté en tête de mort. Mais ici tout se joue dans le rapport d’échelle entre ses deux têtes : le visage de l’humain est plus de dix fois plus grand que celui du pommeau…

Une remarque : dans toute cette exposition, aucune trace de figure christique ou de foi religieuse. La foi dans l’art, dans ce que les artistes vont laisser en serait-elle une substitution ? « Ce que je trouve le plus formidable dans le fait d’être artiste, c’est que l’on peut toucher des gens qui ne vous connaissent pas personnellement, et que l’on peut même les toucher après sa propre mort » disait Christian Boltanski en 2008.

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