La technique de Alioune Diagne intrigue. De loin, des scènes vivantes de foules que l’on pense situées dans une lointaine tradition du pointillisme, ou que l’on considère saisies derrière un voile léger atténuant la lumière et les heurts de couleurs. De près, des ensembles de petits modules, qu’il nomme « signes inconscients », des réminiscences de calligraphies disparues, ou des symboles de la culture Akan, dont les poids servaient à peser l’or dans l’Afrique de l’Ouest (lire article de V&S sur Claudie Titty Dimbeng).
Regroupés dans des ensembles de même tonalité, ils donnent forme à des personnages, à des scènes très dynamiques, décrivant le quotidien du Sénégal, autour des questions de la disparition de la pêche, lourdes de conséquences internationales.
En effet, les pêcheurs locaux, que la mise en scène de la galerie évoque avec des filets pendant en son centre, sont confrontés à une industrialisation étrangère qui remet en cause leurs ressources et leurs débouchés. Pour survivre, certains abandonnent leur savoir-faire ancestral pour se tourner vers les pratiques illégales de passeurs.
Il y a une dimension immersive, voire dramatique, dans cette présentation en huit tableaux, où l’artiste qui ne nie pas la douloureuse réalité de l’émigration, espoir d’une vie meilleure, veut montrer qu’il peut y avoir un avenir en Afrique.
Les tableaux, élaborés à partir de photos, expriment la diversité des rapports que les personnages, ici tous masculins, entretiennent avec la mer qui polarise leurs regards, comme leur avenir. Leur singularité tient au fait qu’ils se focalisent sur l’origine territoriale des migrations, et moins sur le passage risqué vers l’Occident.
Jean Deuzèmes