À 31 ans, l’artiste-chercheuse est déjà largement reconnue pour son approche avant-gardiste. Dans ses recherches, elle a renversé les codes de l’industrie textile, remettant en question la dichotomie sur-mesure/prêt-à-porter et proposant un nouveau paradigme : le « prêt à mesure ».
Sa question d’artiste est celle de la place de la femme et du corps féminin dans la société et, à ce titre, elle associe régulièrement à ses projets d’autres créateurs tels que des scénographes, des parfumeurs, des musiciens.
Dans une récente exposition à la galerie Templon, où V&D a réalisé ces photos, Jeanne Vicerial s’approprie l’espace avec son armée silencieuse de personnages cristallisés au fil du temps. Férue de poésie, elle donne vie à ces "Armures", troublantes guerrières vêtues d’amour et d’armure, en recouvrant entièrement les mannequins de fil noir.
Au cœur de l’exposition, un imposant robot articulé, contrôlé par un logiciel, danse autour d’une sculpture, tissant une toile pour la capturer par une succession de mouvements délicats et répétés à l’infini. Ce processus créatif semble avoir engendré diverses "présences", des femmes couchées sur leur pierre tombale dans un sous-sol sombre devenu crypte, des figures hybrides mystérieuses, l’étoffe même de la mythologie...
Le pèlerinage passe à une autre étape avec un cabinet de curiosités dédié aux "sex-votos".
L’artiste recouvre les murs d’un blanc immaculé d’une accumulation d’objets en guise d’offrandes. Comme elle l’explique : "Il est intéressant de noter les parallèles entre l’industrie textile et le monde de la sculpture : les deux domaines utilisent le terme de "coutures" pour désigner les points de jonction, les endroits où les pièces s’entremêlent". (Flyer de l’exposition)
Mutilés ou démembrés, ces vulves fleuries, ces minuscules organes vestimentaires et ces ventres de Vénus revisitent tout ce que cache le vêtement. Avec ces curieux objets cérémoniels, Jeanne Vicerial approfondit sur le mode artistique son exploration du genre et hybride le corps féminin, tour à tour vénéré et maltraité depuis des millénaires.
Fin du XXe siècle, Judith Scott avait produit des œuvres d’art brut avec des fils de toutes les couleurs (Lire V&D >>>)
Au XXIe Jeanne Vicerial est figurative et part de ses recherches sur les tissus musculaires humains ; elle inclut dans l’atelier la plus haute technologie pour donner un autre visage, un autre corps à la femme, pour donner à ses vêtements un statut d’avatar de toutes les époques.
Jean Deuzèmes