Florence Obrecht a investi la peinture, au-delà de la figuration libre des années 80, par la figuration libérée, avec un talent de portraitiste débordant d’imagination ; elle transmet la joie des amies et amis qui ont posé pour elle après des séances de maquillage et moult shootings.
« Intitulée « Jardin de verre », [ l’exposition est] donc, à l’instar d’une serre, tout à la fois un espace transparent et ouvert, un lieu clos, protégé et protecteur, et un terrain fertile où tout peut croitre et s’épanouir dans un certain désordre patiemment entretenu. Et, à l’instar d’un square, une forme de place publique, de carrefour où les chemins comme les destinées se rencontrent, se croisent et s’entrecroisent et se mélangent, où les voies s’ouvrent et les voix se déclarent […] D’œuvre en œuvre, on saura donc y repérer des figures de mémoire (icônes, images anciennes d’Europe de l’Est, tableaux de Marfa Tymchenko, artiste folk ukrainienne), des formes vernaculaires ou populaires (châles, coiffes, couronnes, collerettes, bannières, drapeaux, bâtons…), des motifs emblématiques débricolés (abeilles, plumes, fleurs, fruits, bougies, perles, boutons, coquillages, dentelles, broderies…) » présente avec justesse Marc Donadieu, conservateur en chef du Musée de l’Élysée à Lausanne, dossier de presse.
On ne sait dans quelles légendes l’artiste nous emporte, mais beaucoup de choses commencent avec les visages et les regards.
Florence Obrecht. Jardin de verre (Visages) from Voir & Dire on Vimeo.
Les tableaux commencent par le maquillage de ses modèles, à partir de dialogues avec eux et de multiples racines artistiques, comme dans sa série Faire des Picasso.
Ils se réfèrent aussi au monde des icônes, auquel elle donne une dimension contemporaine, concrète, de la vie réelle : aussi sa Sainte famille n’est-elle pas un couple de chanteurs québécois ? Et sa Vierge à l’enfant, sa Jeanne d’Arc ne viennent-elles pas d’Afrique ? Elle reprend les codes de la peinture d’icône avec les feuilles d’argent repoussé, laissant dégager la figure du sujet.
Les cheveux portent les couronnes de fleurs ou d’autres attributs comme les cierges, en référence aux représentations traditionnelles de sainte Lucie ; les lunettes reflètent de la lumière venue de plus haut.
Son univers n’est pas celui du carnaval à la Ensor, sceptique ou socialement ironique, mais celui des fêtes de village ou de quartier, spirituel et joyeux à la fois. Il est aussi celui de l’art et de la mémoire d’artistes qu’elle imprime précieusement sur ses vases : Christian Boltanski, Louise Bourgeois, Mike Kelley, chacun avec de multiples collages ou incrustations symboliques.
Le vertep ukrainien qu’elle fait surgir, qu’elle fait passer par Berlin, est une invitation à suivre l’artiste non pas dans la tradition des images, mais dans celle de l’hospitalité joyeuse, propice aux échanges. L’art du déplacement et l’accueil de ceux qui fuient les combats. Une peinture pour notre temps.
Jean Deuzèmes