Les créateurs ont des origines très diverses et l’exposition porte les traces de la maturation issue du confinement, donc de la solitude de création. Yves Sabourin, commissaire et directeur artistique présente ce bouillonnement visuel :
« D’abord issue du monde de la mode et du théâtre, Adeline André nourrit un subtil dialogue avec le textile ; issue des expressions plastiques en 2D ou 3D, Delphine Caraz choisit de modeler avec des vêtements usés, comme Arnaud Cohen détournant une tapisserie ancienne d’Aubusson ; Frédérique Fleury compose avec des fac-similés de tapisseries historiques et des pièces en grès ; Aurélien Lepage oscille entre peintures et tissages ; Edith L’Haridon transforme la maille en modelage truculent ; Marjolaine Salvador-Morel dessine dans l’espace des sculptures de dentelle à l’aiguille et l’interroge, comme le fait aussi Françoise Micoud avec la dentelle aux fuseaux chargée de pigments ; Patrick-Arman Savidan sculpte des ressacs en broderie ; Martine Schildge couvre de feutre des silex et « picturalise » leurs portraits photographiés ; Dominique Torrente met en scène les canevas de femmes couturières et les érige en bas et haut-relief ; Isabel Bisson-Mauduit mêle la photo à de la broderie machine et fait main ; et pour terminer Frédérique Petit trace avec un fil de soie des paysages au dessin épuré. »
Il suffit de prendre quatre exemples pour donner le goût de consulter le dossier de presse…
Du plus petit au plus grand
Frédérique Petit. Elle est capable de troquer l’aiguille et le fil de métal pour le fer à béton et le poste à souder qu’elle entremêle pour construire ses Grands nids qui interrogent dans leurs rudesses la fragilité.
Les séries présentées ici sont des broderies réalisées en fil de soie rapporté de Chine après un séjour de recherche sur la broderie à Suzhou. C’est une technique qui lui permet de dessiner librement la nature qui l’inspire et qu’elle contemple au quotidien, la beauté des oiseaux constructeurs aussi. Les œuvres ne font que 9 cm x 13,9 cm
Dominique Torrente a choisi la toile brodée, peut-être comme possible métaphore de la pensée "complexe" et du paysage comme "complexion". Il y a quelques années,
elle découvrit des canevas brodés, réalisés à la main par les femmes des classes populaires, entre les années 40 et 80 et reproduisant Vermeer, Fragonard, Millet ou Renoir, elle fut fascinée par cet « art modeste », qu’elle entreprend de collecter, comme matériaux plastiques, mais aussi comme objets mémoriels. Car ces objets d’« art domestique » résonnent chez elle de tout un pan de son histoire personnelle, étroitement mêlée à l’histoire du monde ouvrier du siècle passé.
Ainsi l’œuvre « Les riches heures ou l’éclat de vos mains », (350x290 cm) est une juxtaposition de canevas constituant une tenture. Cela fait écho au travail manuel comme hommage aux mains ouvrières de ces femmes produisant ces objets : une sorte de paysage iconographique, un paysage « modeste » lui aussi plein d’affection et lié à l’histoire de ces toiles brodées.
L’arbre : de la forêt à la feuille, de l’expressionnisme puissant au bijou
Isabel Bisson-Mauduit fait entrer dans une forêt incroyablement dessinée, brodée, on ne sait pas trop, qui tient de la toile d’araignée en pleine nature. Isabel est une ouvrière : elle brode comme une couturière, elle découpe, taille, colle, vernit... Cette matière concurrence les photos immenses de Paradis du grand artiste international Thomas Struth : des forêts impénétrables prises frontalement.
Françoise Micoud est dentellière. Elle tisse des œuvres originales d’inspiration végétale en dentelle, réalisées aux fuseaux et sur papier.
Les formes et les couleurs de la nature l’inspirent. Ainsi, la dentelle aux fuseaux pigmentés, enduite de résine, devient la trame végétale de feuilles fragiles.
Ses feuilles ressemblent à des bijoux que l’on aimerait porter plus qu’accrocher à un mur. En outre, les noms sont uniques et introduisent à sa poésie de la main.
Alliant sa passion pour le textile à son amour du papier, cette artiste contemporaine utilise aussi ses dentelles comme matrices pour ses estampes.
Jean Deuzèmes