Dans « Issu du feu », le noir se révèle sous de multiples facettes : les noirs devrait-on dire tant Lee Bae décline leur gamme du noir profond au gris presque clair en juxtaposant et collant les multiples morceaux de charbon de bois, comme une table de marqueterie. Il joue avec ses brillances, avec ses effets de moire, avec ses aspects nacrés, nés de mouvements donnés en surface par la structure des morceaux de bois choisis.
Dans « Untitled » c’est tout le contraire : le noir est utilisé pour les profondeurs à l’aide de grands gestes. La densité de l’encre de charbon est utilisée pour dessiner des formes dont la force est augmentée par le contraste avec les surfaces blanches qui en dessinent les contours.
Dans Landscape, les compositions géométriques sont radicales, car elles opposent le noir et blanc, parfois la matière même, puisque le noir est apposé sur des morceaux de bois qui surplombent telle une falaise une surface blanche. Noir et blanc sont renvoyés dos à dos.
Brushstroke. Dans ses tout récents grands papiers, Lee Bae met du mouvement dans ses noirs et déploie les dégradés de leur transparence. Contrairement à la série Untitled où chaque forme est méticuleusement dessinée plusieurs fois en superposition, dans Brushstroke chaque forme ou signe, tracés avec de la poudre de charbon de bois, est le résultat d’un seul geste, sans repentir possible, d’une absolue fulgurance conjuguant à la fois concentration mentale et maîtrise corporelle. Proche de la calligraphie, cette écriture qui dans sa manière se rapproche d’une méthode traditionnelle témoigne en même temps d’un esprit très contemporain ainsi que d’une touche immanente, au sens où elle s’accomplit selon des principes que l’artiste se donne en visant une certaine perfection.
Issu du feu (White lines) sont des œuvres visuellement intrigantes. Lee Bae reprend ses compositions avec des morceaux de charbon, mais il les rythme en les ponctuant en surface avec de petits traits écrits au pastel gras blanc, comme des virgules sur un tableau noir. Histoire de mettre le noir en arrière-plan et de lui donner encore plus de perspective.
Enfin dans ses installations, toujours réalisées avec du bois brûlé ou carrément du charbon de bois, Lee Bae met le noir en relief. Il le façonne en boule, en fagot, ou en pointe, pour montrer que le noir peut aussi se percevoir sous l’angle du modelé, de la proéminence.
Lee Bae donne au bois brûlé un autre visage. Par des gestes très différents, il déploie toute son énergie humaine couplée avec son activité cérébrale. Des œuvres corporelles et mentales à la fois qui expriment sa recherche dans des formats de musée, alors que Lee Ufan les déborde largement, exalte le geste de l’artisan-artiste empreint d’une culture précise, celle de la Corée.
Jean Deuzèmes