Présentation par la commissaire
Biographie
L’artiste, Baptist Coelho, né en 1977, vit et travaille à Mumbai, en Inde. En 2021-22 il est en résidence à la Fondation Fiminco à Romainville et au In Flanders Field Museum à Ypres en Belgique.
Depuis plusieurs années, Baptist Coelho a entamé une forme d’archéologie de la violence et des guerres, et particulièrement celles qui concernent les Indiens. Son travail en fait apparaître les répercussions à la fois physiques et psychologiques. Ses œuvres s’élaborent et s’articulent à partir de différentes histoires passées sous silence qu’il exhume et interprète. Ses recherches se basent notamment sur l’ethnographie et l’étude d’archives. Par le biais de rencontres, il enquête sur les récits liés aux conflits armés, à la conscription, la commémoration, l’héroïsme, donnant de la visibilité à des émotions comme la peur, et à des questions liées au corps, au genre, à la guérison.
À partir d’investigations multiples, de collaborations, il entreprend de déconstruire les récits qu’il recueille. Il les restitue, tout en y injectant une part d’imaginaire, et les confronte aux formes de pouvoir.
Sa pratique artistique est interdisciplinaire ; elle comprend la photographie, la performance, la vidéo et le son. En 2006, Baptist Coelho a obtenu un Master au Birmingham Institute of Art & Design, au Royaume-Uni. Il a, entre autres, reçu le Prix indien “Promising Artist Award” en 2007 ou encore le prix “Sovereign Asian Art”, Hong Kong en 2016. [.]
You will never understand what we have gone through, 2021
« La plupart du temps, Baptist Coelho récupère des traces (textes, images ou sons) que le temps a effacées et qu’il réactive. C’est à partir d’un recueil de lettres envoyées à leurs familles par des soldats indiens embarqués dans la Première Guerre mondiale, qu’il a élaboré son installation, – tel un autel mémorial – à la Galerie Saint-Séverin. Il réhabilite ainsi l’effacement que l’Histoire a imposé aux efforts de guerre menés par l’Inde qui envoya 1 100 000 hommes au combat.
Instruments de la violence de l’État, les corps des combattants (qui furent surtout des victimes) ont disparu depuis longtemps. Leurs écrits toutefois demeurent et bien que censurés par l’autorité militaire, ils témoignent des épreuves endurées par les hommes enrôlés. La souffrance et les sacrifices, le désarroi, la colère se sont exprimés dans leurs courriers. L’artiste rassemble ces éléments qui témoignent des sentiments et des ressentis vécus par les soldats, et projette des extraits des missives sur le mur**. Inspirées du portrait d’un conscrit à l’aquarelle, deux impressions en photogravure s’ajoutent à ce qui ressemble à un cabinet de curiosités.
Le radiateur, trouvé par l’artiste, empaqueté avec des bandages, évoque les températures glaciales qui saisissent les corps. Vêtus de simples uniformes de fin coton, les recrues sont saisies par la froideur du climat. Les aiguilles plantées dans la manche de l’uniforme, la couronne funéraire, les objets extraits du monde médical rappellent les blessures endurées, la cruauté, l’indifférence. Les bandes de gaze recouvrent ici des objets comme pour les invisibiliser. Elles matérialisent les soins médicaux apportés aux hommes blessés, mais aussi leurs détresses psychologiques. La Galerie devient lieu de mémoire, qui rend hommage au courage, et dénonce l’absurdité des guerres. »
Odile Burluraux, commissaire
Extraits de lettre
In David Omissi, Indian Voices of the Great War : Soldiers’ Letters, 1914-18. (Les voix indiennes de la Grande Guerre : lettres de guerre, 1914 -1918), Penguin, Viking, 2014
« Lettre de Mozafar Ahmed Khan (Pathan) à Ashuraf Khan (Hazara District, NWFP)
9e Hodson ‘s Horse [9e lanciers du Bengale] [Urdu] 13 novembre 1916
Tout le plaisir que j’ai eu dans la vie était lié à Ali Akbar. Soyez patient. Cette calamité ne s’est pas seulement abattue sur nous, mais sur le monde entier. De beaux jeunes hommes, chéris de leurs parents, d’une beauté étonnante, que j’ai si souvent vu nus sur le champ de bataille. Dieu merci, notre cher frère a eu un enterrement digne. Il y avait un cercueil, une tombe appropriée et une pierre tombale qui lui servira de mémorial aux yeux du monde. Quiconque la verra dira : “Voilà le genre de tombe qu’on construit durant cette grande guerre pour les vaillants morts”. »
Samedi 5 février 2022, 17h, à la veille de la clôture de son exposition, Baptist Coelho vous invite à assister à une performance sur son œuvre.
Messages
1. Baptist Coelho. Galerie Saint-Séverin, 29 janvier 2022, 07:25, par Bertrand Gaucheron-Perol
Baptiste,
En lisant le thème de cette exposition ainsi que la lettre du commissaire j’ai compris le sens des objets exposés et habillés.
Quelle puissance émotionnelle.
bravo .
2. Baptist Coelho. Galerie Saint-Séverin, 5 février 2022, 10:40, par Fabrice M
Tres belle exposition, belle reussite. Tous mes voeux t’accompagnent aujourdhui pour ton vernissage. Bravo mon ami. FABRICE