Le point de vue de la commissaire
Depuis toujours, Enrique Ramírez entretient une relation forte à la nature et plus particulièrement au monde de la mer. Cela se traduit dans ses œuvres par la présence d’éléments comme des voiles, des rames, le bruit des vagues, ou des films tournés sur l’eau, dans l’eau, etc. Ses réalisations portent l’empreinte du sensible, de la poésie, mais peuvent aussi se faire l’écho de questions politiques. Ainsi dans certaines vidéos, il interroge les trop nombreuses disparitions des opposants, pendant la dictature du Général Pinochet, dont les corps étaient jetés dans les fleuves ou l’océan. À la mémoire du peuple chilien se mêlent souvent les souvenirs plus personnels de l’artiste.
Enrique Ramírez. Para construir un jardín, necesitamos de la tierra y la eternidad, 2019 . Courtesy of the artist and Michel Rein, Paris/Brussels
La sculpture en néon bleue présentée à la Galerie Saint-Séverin donne à lire une phrase qui incite à la méditation au-delà de sa simple acception :
La sculpture en néon bleue présentée à la Galerie Saint-Séverin donne à lire une phrase qui incite à la méditation au-delà de sa simple acception : « Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l’éternité. »
Traduite en espagnol, cette citation de Gilles Clément fait écho à la théorie du "jardin planétaire" (ou jardin en mouvement ) que l’architecte paysagiste a développée en réponse à la globalisation, en proposant la "planétarisation" de la terre comme lieu de vie.
Cette maxime résonne pour nous comme le programme de toute une vie. Elle semble aussi apporter un peu d’optimisme en invoquant la nécessité d’un temps long. Par la mise en matière-lumière opérée par Enrique Ramírez, elle semble indiquer la voie tout en se réfléchissant dans les noirceurs du sol de la vitrine.
À son propos, Enrique Ramírez évoque l’instabilité du monde et rappelle l’importance d’écouter la nature, et de comprendre la manière dont elle est capable de supporter le vent, le poids de la vie. « Elle ne fait pas seulement penser à la terre, mais aussi à la façon dont les choses sont construites et dont nous les regardons », commente l’artiste.
Odile Burluraux
Biographie
Enrique Ramírez
Né au Chili en 1979, il vit et travaille entre Paris, Bruxelles et Santiago du Chili.
Son père qui fabrique des voiles de bateau lui transmet dès l’enfance sa passion de la mer. Après des études à l’institut Arcos à Santiago du Chili en musique populaire puis en cinéma, il se rend en France et sort diplômé en 2009 de l’école du Fresnoy – Studio national des arts contemporains à Tourcoing. Il débute alors une carrière d’artiste sur le plan international et voit ses œuvres présentées dès 2017 à la Biennale de Venise.
En 2020, en tant que finaliste du prix Marcel Duchamp, il est exposé au Centre Pompidou. Actuellement lauréat de la résidence de la Collection Pinault à Lens jusqu’en juin 2021, il y prépare un projet en lien avec la région du Nord. Une exposition de ses œuvres lui sera consacrée au Fresnoy cette année.
Les œuvres d’Enrique Ramírez prennent le plus souvent la forme d’installations dans l’espace et se déploient sous la forme de vidéos, de pièces sonores, de photographies, de sculptures. Par un regard contemplatif, mais engagé, il aborde les thèmes de l’histoire douloureuse de son pays, de la migration, de la situation écologique et du devenir de la planète.