Comme à son habitude, Paul Walker Hamy dessine, découpe, prépare son œuvre dans l’urgence. Il réfléchit avec ses mains. Cela aboutit à une maquette de carton, qui est en elle-même une œuvre. Une construction en gradins. L’enfant, Marie, Joseph en bas au plus près de la terre. Les mages en hauteur sur une sorte de montagne, comme des spectateurs. Les bergers et leurs animaux à une hauteur intermédiaire. Et l’étoile, immense, hors d’échelle, des anges semblant en être les gardiens. La tradition vient s’insérer dans une approche très contemporaine.
Seulement, voilà que l’espace initial proposé, une chapelle, est trop petit pour un artiste, qui s’exprime dans des grands formats, il en prend trois. À Saint-Merry, rien n’est trop grand pour accueillir une telle œuvre, surtout quand il n’y a pas de cahier des charges et que l’artiste travaille dans la confiance avec ceux qui l’ont accueilli.
L’innovation de 2020 tient dans le choix de l’artiste de faire voir l’ensemble à partir d’un point de vue : depuis le baptistère, un axe visuel traverse toutes les chapelles nord à travers les colonnades. L’immense étoile avec ses rayons donne le sens de la perspective. La crèche devient une anamorphose jusqu’à un chef d’œuvre du XVIIe, « L’adoration du Nom divin » de Simon Vouet avec une vision mystique des anges peints (voir diaporama V&D >>> ) . Tous les personnages sont installés sur de petits socles à grandes jambes, le tout est inséré dans un paysage de cartons découpés aux multiples facettes.
« J’ai eu envie d’évoquer, la marche, le mouvement, le sable, les montagnes, le vent, les éléments, l’eau, le feu, la terre et tout ce qui y vit, les racines, ce qui pousse et grandit, le mouvement des plaques tectoniques, la poussée d’éléments organiques, la chapelle du milieu peut être une vague, une tornade. On peut y voir des rayons la traverser, et c’est bien sûr la lumière qui est très présente, dans le jeu d’ombre des facettes, de l’étoile à la grotte de Joseph et Marie qui peut faire penser à une flamme ou à une goutte d’eau. »
Les enfants feront peut-être remarquer que les personnages arrivent sur de curieuses ailes volantes qui passent à saute-mouton sur les autels traditionnels. Le monde de la tradition de Noël est bousculé par tous les bouts, avec beaucoup de délicatesse et d’imagination.
Cette crèche est celle du mouvement décomposé de ceux qui accourent jusqu’à l’enfant.
Le visiteur en a deux visions possibles : la première est condensée, l’enfilade des colonnes ; la seconde est celle de la déambulation, d’une chapelle à l’autre avec les détails et la lumière de Paolo Gérard, concepteur lumière, grand familier des expositions de Saint-Merry.
Jean Deuzèmes.
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