François Kenesi. Feuilles de laurier sur mur de parpaing. 2020 from Voir & Dire on Vimeo.
Par ses photos et ses dessins, François Kenesi travaille les grandes questions du temps avec douceur et respect, en jouant notamment sur deux effets que l’on retrouve dans toutes ses œuvres : la rigueur et la surprise.
Il tient la première qualité de sa formation d’architecte, son œil repère les lignes et les trames dans le réel ; ou bien, il les crée pour exprimer sa pensée. En 2015, dans « Équivalent » (Voir et Dire >>>) l’œuvre d’interrelation qu’il avait réalisée à Saint-Merry lors de la COP 21 pour sensibiliser les visiteurs à la production du CO2 dans leurs actes, il avait dessiné d’incroyables panneaux carroyés qui frappaient par leur nombre et l’atmosphère qui s’en dégageait. Son site Internet regorge d’images d’œuvres extrêmement structurées. L’exposition étrange sur « Les demoiselles de Stonehenge » témoignait aussi de cette rigueur (Voir et Dire >>>).
La seconde, la surprise, traduit une forme d’esprit toujours en alerte qui utilise l’espace dans lequel l’artiste se trouve pour, avec une pincée de démarche conceptuelle et beaucoup d’instinct, traduire des émotions, évoquer des questions, transformer les réalités les plus banales, leur conférer un pouvoir onirique, sans utiliser les ingrédients du surréalisme. C’est pour cela que les œuvres qu’il produit sont toujours nouvelles dans leur forme.
Par son association de deux matériaux antagonistes, minéral et végétal, on serait tenté de le rapprocher d’un Bertrand Lavier, avec La Bocca sur Zanker(2005), un canapé design posé sur un réfrigérateur. Mais on ferait erreur, car il n’y a rien d’une provocation duchampienne interrogeant le quotidien. François Kenesi ne fait pas partie des nouveaux réalistes, il verse du côté de la poésie visuelle, du doux onirisme. Il accroît la sensibilité du regardeur, il invite à l’éveil de la réalité, à l’association des images.
Avec « Feuilles de laurier sur mur de parpaing », il fait un geste comme un prisonnier confiné pourrait écrire ses rêves, comme un grapheur pourrait utiliser des lignes courbes et des aplats de couleur pour raconter une histoire. Lui utilise les traits des joints laissés par le maçon en montant son mur pour y glisser des feuilles, pour rappeler que cette réalité élémentaire, opaque et lourde, peut être transfigurée par un geste d’artiste. La matière a des creux qu’il décèle.
En architecte, il intègre la lumière [1], non pas avec des matériaux, mais avec des feuilles, du végétal plein de symbolique. Ses ombres ne sont pas inquiétantes, elles sont belles comme dans un cadran solaire. Ainsi, la série avec les ombres de grandeurs différentes parle du temps qui passe. Comme pour chacun dans la période de confinement.
Jean Deuzèmes
Messages
1. Crevasse. François Kenesi. Laurier / Parpaing, 4 avril 2020, 21:05, par Lluís Pericó
"There is a crack in everything
-That’s how the light gets in"
L. Cohen.
Sublime, François.