On se rappelle les plasticiens britanniques Gilbert et Georges ou encore les performeurs Marina Abramovic et Ulay qui s’étaient fait connaître dans les années 70 en devenant des statues humaines nues immobiles sur socle entre lesquelles étaient obligés de passer les spectateurs très gênés.
Changement de perspective en 2020, à deux pas du centre Pompidou, sur un piédestal recevant des sculptures sur l’espace public : formellement, les corps ont pris la place d’un buste, ils ont changé l’échelle visuelle de l’art sur la placette. Le socle n’est plus réservé à l’immobile, il accueille les humains en mouvement.
Du 28 au 31 janvier 2020, l’art des artistes d’un soir relevait de la danse contemporaine pure et ces derniers ont réussi à s’approprier le cadre habituel des sculptures ou installations. Les danseurs ne se sont pas transformés en équilibristes, mais ils rappelaient que le mouvement, en fait un art du temps, met en risque les corps notamment lorsque les créations se donnent à voir en hauteur.
Il y a eu substitution de langage artistique. À celui de « Loading… » (l’installation entre octobre et janvier 2020 de Rero et Stéphane Parain (>>>) qui pouvait se définir comme une hybridation des codes de la sculpture classique et du langage informatique, ont succédé deux langages des corps revêtus ou dénudés : sur le mode minimaliste occidental ou sur le mode shintoïste japonais. Les spectateurs étaient médusés par la simplicité et la qualité de la proposition.
Bakstrit de Structure-couple
Bakstrit Lotus Edde Khouri & Christophe Mace from Voir & Dire on Vimeo.
Lotus Eddé Khouri vient de la danse contemporaine et Christophe Macé de la sculpture. Sous le nom de Structure-Couple, ils développent depuis 2014 une série de miniatures chorégraphiques sur des chansons connues remixées, avec la complicité du musicien Jean-Luc Guionnet qui n’hésite pas à introduire des séquences de silence. L’exécution obstinée et répétitive d’actions et de gestes minimalistes est le leitmotiv qui caractérise tous leurs duos. Par leurs corps en miroir l’un de l’autre, ils travaillent les ressemblances et dissemblances intimes de chacun. Bakstrit a pour origine Orgabak… c’est-à-dire que la musique est toujours inspirée de Bach mais qu’elle se déploie pour cette première fois à l’extérieur, dans la rue, en haut du socle et dans le froid de l’hiver. Une danse à toute épreuve !
Conception, Réalisation, Interprétation : Lotus Edde Khouri & Christophe Mace
Composition musicale : Jean-Luc Guionnet
28 et 29 janvier 2020 à 18h
Aka-Oni de Yumi Fujitani
Yumi Fujitani. Aka-Oni. Chorégraphie sur Le Socle. 31 janvier 2020. Festival Faits d’Hiver from Voir & Dire on Vimeo.
« J’explore sans cesse l’archétype féminin et celui du sacré ». À fois performance et danse, chez elle, tout est rouge . Aka-Oni se traduit par "Le rouge de l’ogre".
Pour la placette, elle revient aux sources du Bûto, la naissance, avec la sortie d’un sac utérin et l’ambivalence homme/femme, l’expression des gestes quotidiens des femmes : se lever, se laver, se maquiller, se coucher. Mais elle installe aussi sa performance dans le champ du sacré avec le socle comme figure tangible de la nature, du rocher sacralisé. Le rouge représente la déesse shinto du soleil Amaterasu, l’ancêtre mythique des empereurs du Japon, c’est également le symbole des Miko, ces jeunes femmes au service des sanctuaires shintoïstes qui, autrefois, entraient en transe et transmettaient des prophéties.
Dans cette dualité du propos, le long ruban rouge qu’elle utilise peut à la fois sortir de son corps et lui permettre d’enserrer les figures du sacré, la pierre blanche érigée ; elle se met en danger par sa danse sur le bord du socle puis revient sur le pavage du sol. Elle installe le lien, mais se bat aussi contre lui, tente de s’en défaire, une question permanente de la modernité.
Née à Kobe au Japon en 1962, vivant et travaillant à Paris, Yumi Fujitani est issue du Butô qui a connu son âge d’or dans les années 80, mais désormais elle danse en solo en expérimentant de nouvelles formes d’expression. Elle donne une lecture universelle à ce qui est une expression culturellement codée.
Chorégraphie et Interprétation : Yumi Fujitani
Musiciens : Arpeggione (31-janvier) Simon Drappier / Clarinette (30-janvier) Jean-Brice Godet
Jean Deuzèmes
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