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Moment de chargement des fichiers informatiques très lourds signalé par de petites icônes sur les écrans, par exemple, des roues qui tournent.
La première œuvre présentée sur le Socle conte une histoire de regard : celui d’un duo d’artistes du XXIe sur un autre duo d’artistes du XVIIe.
À l’époque du Grand siècle, le portrait sculpté est à la mode. Antoine Coysevox (1640-1720) est un des sculpteurs officiels de Louis XIV. Il aime travailler lui même le marbre et se libère de la sévérité du classique, annonçant par là le Baroque français. Il réalise ainsi des bustes de personnages célèbres comme celui du peintre Antoine Coypel (1661-1722), qui appartient à une grande lignée d’artistes et a lui-même laissé plusieurs portraits du Roi soleil.
RERO (né en 1983) et Stéphane PARAIN (né en 1985) vivent et travaillent à Paris et Rio. Pour eux, la ville est un décor sur lequel ils interviennent, chacun avec son approche. Le premier utilise la police typographique Verdana dans toutes ses œuvres et barre toutes ses phrases. Paradoxalement, ce mode opératoire attire l’attention, le texte est mieux lu. L’autre artiste, meilleur ouvrier de France, est influencé par l’esthétique de la sculpture classique et réalise des décors d’opéra. Les deux accordent leur poésie pour travailler ensemble les questions de l’illusion contemporaine.
Avec « Untitled (LOADING...) », ils détournent le buste original (Coypel sculpté par Coysevox vers 1712) se trouvant au Louvre : cinq fois plus grand (3m de hauteur en outre placé sur un socle à 2,4 m), en polystyrène et non en marbre, les codes de la représentation classique (la pose, les bouclettes) sectionnés par des codes contemporains, ceux de l’informatique HTTP et de la réalité augmentée, alors que les codes de la sculpture imposeraient un buste bien terminé.
LOADING (barré) : Qui est barré ? Est-ce le buste qui est en train de se télécharger ? Ou la réalité augmentée ? Tout s’arrête : est-ce l’œuvre qui est matériellement interrompue à la hauteur des yeux, du regard de Coypel ? Ou est-ce le processus de téléchargement lui-même, du temps sculpté ?
Arrêt sur image. Une panne ? Contemplation d’un instant et d’une œuvre.
Clin d’œil des artistes, « Untitled (LOADING...) » regarde l’église Saint-Merry dans laquelle sont accrochés un chef d’œuvre de Charles Coypel, le fils d’Antoine Coypel, « Les pèlerins d’Emmaüs" (1746) et une toile de Nicolas-Noël Coypel, le père d’Antoine Coypel « Jésus et la Samaritaine » (1684), actuellement en restauration.
Une rue sépare la grande tradition française de l’époque la plus contemporaine.
Jean Deuzèmes
Visible jour et nuit, jusqu’à la fin janvier 2020
80 rue Saint-Martin Paris 04
http://lesocle.paris
Voir le très drôle interview des deux artistes.
http://www.rero-studio.com
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