Evi Keller, Performance/Matière/Lumière. Saint-Eustache
Un des défis de l’occupation de cette église est sa taille : 100 mètres de longueur, 43 de largeur, et surtout 33 de hauteur.
Evi Keller, plasticienne de la lumière et des tissus, a été choisie pour sa capacité à habiter les grands volumes. Née en Allemagne en 1968, vivant et travaillant à Paris, cette photographe qui a créé son studio et pratique la vidéo, collabore avec des chorégraphes. Depuis cinq ans, elle développe un cycle « Matière Lumière » qui traduit sa recherche des origines, celle du monde, celle des chaos.
Ce « travail énigmatique, riche en infimes nuances lumineuses, ne raconte à proprement parler rien. Il vient avant toute histoire, il reconduit directement au cœur des éléments, au chaos désordonné et profus qui court sous les lignes stables de la création. Les premiers romantiques allemands, dont Evi Keller est à sa façon une extraordinaire descendante, qualifiaient de Kunstchaos – chaos d’art, chaos artistique – la création originelle, lorsqu’elle puise aux sources de la nature naturante » comme l’exprime le commissaire Olivier Scheffer.
Pour signifier la spiritualité primitive qu’elle déploie depuis des années, sa recherche de l’originaire, elle lance sous la voûte une toile de 14m, sur laquelle elle fait agir la lumière tandis qu’une musique contemporaine l’enrobe.
« Quand tout n’était encore que fusions, écoulements, concrétions de matières, fulgurances lumineuses. Plus qu’une simple installation, ici les « éclairs sillonnent les ténèbres de la nuit des temps », pour reprendre une formule de Schelling. L’art d’Evi Keller renoue magiquement avec les forces naturelles, la romantisation du monde, chère à Novalis, union du connu et de l’inconnu, du fini et de l’infini, du visible et de l’invisible : C’est ainsi qu’on retrouvera le sens originaire présente le site de l’église.
Schelling, Novalis, Evi Keller ont effectivement en commun la recherche de l’originaire.
Chez Evi Keller se trouve de plus en filigrane un questionnement très actuel sur l’origine du carbone, son utilisation délétère et sur les issues de la transformation du monde.
Mais l’artiste ne se contente pas de l’intérieur de l’église, elle dispose sur le porche « Réconciliation » une œuvre très structurée avec des couleurs vidéos flottantes sur d’étranges pavés.
Extérieur (XVIIIe) /Intérieur (XVIIe), l’artiste se confronte à une architecture monumentale à côté d’une autre du XXIe : la nouvelle Canopée des Halles. L’introspection de l’univers face à la certitude du commerce.
20h - 2h30 // 1, rue du Jour, 1er
Stéfane Perraud. Sylvia. Collège des Bernardins
Cette œuvre d’un artiste, né en 1975, vivant et travaillant à Paris, tranche sur la précédente par sa nature : un paysage sonore, très loin de l’univers du défilé démesuré de la Ville.
« Je souhaite raconter la forêt : sa richesse, sa perte » affirme l’artiste loin de l’imaginaire d’Evi Keller qui au contraire souhaite ne rien raconter.
Le projet « Sylvia » se singularise par trois défis :
– une œuvre liée à la nature et aux enjeux de la biodiversité. Sylvia nous plonge au cœur d’un paysage sonore, celui de la forêt du Risoux dans le Haut-Jura.
« Le chant des oiseaux, le brame d’un cerf, le bruit du vent dans les arbres, celui du tonnerre... Musique naturelle, épurée, immémoriale, la forêt est une véritable symphonie de bruits naturels, une constellation de sons qui constitue une des multiples partitions du Vivant » […] Une cartographie sonore du vivant, composée à partir de deux ressources : une réelle, grâce à l’expérience scientifique menée par le Parc naturel régional du Haut-Jura, en collaboration avec le Muséum national d’Histoire naturelle, qui enregistre depuis un an les sons d’une zone précise de la forêt du Risoux ; l’autre prospective, par les scénarios imaginés par l’artiste Stéfane Perraud sur les mutations à venir de la biodiversité de cette région, voire de son effondrement » dévoile la présentation du Collège des Bernardins.
– une œuvre méditative qui utilise les méthodes et les résultats de la science comme outils d’artiste. Lors des rencontres photographiques d’Arles 2019, une des expos des Forges, « Terre », avait utilisé la même approche mais dans le champ visuel pour évoquer les risques courus par notre planète, non sous un mode documentaire, mais sous une forme créative projetant un devenir possible.
– L’immersif et le in situ. On constate que la notion d’immersif devient un mode important de l’expression artistique contemporaine (lire article Voir et Dire >>>) accompagné désormais de la technologie des casques nomades hi-fi, offrant une spatialisation et une immersion sonores. Avec Sylvia, pas besoin de casque, en retour le visiteur n’est pas dans sa bulle mais côtoie les autres et leurs bruits. Sylvia est en outre présenté dans la grande salle, une forêt de piliers qui est, en pierre, l’équivalent visuel d’une structure sylvestre ordonnée.
21h-3h // 20 rue de Poissy 5
Keiji Yamauchi. Lumière de prière. Saint-Séverin
L’artiste japonaise avait été choisie en 2017 pour l’église Saint Joseph Artisan (10e) : Forme de la nature et de la prière, une projection lumineuse inspirée par l’ondulation de l’eau et l’oscillation d’une flamme. Expression immersive, typée pour une église, où les spectateurs étaient par leurs ombres participants de l’œuvre. Ce type d’œuvre assure désormais le succès de l’Atelier des Lumières (Paris 11e), qui utilise les grands noms de la peinture pour faire de l’art numérique immersif grand public.
L’artiste revient dans la même veine que précédemment et se concentre sur le déambulatoire, qui forme aussi une forêt, la « palmeraie ». Elle propose une version contemporaine de la peinture murale gothique en étroite collaboration avec François et Haru Espinasse pour l’accompagnement musical.
Cette œuvre se rapproche de "Sylvia" par le cadre, mais aussi de "Performance/Matière/Lumière" par l’usage de la lumière. Grandes différences, le cadre est plus intime et le sujet est expressément l’émotion religieuse.
Voir vidéo des tests de juillet à Saint-Séverin. >>>
19h-0h30 // ruedesPrêtres-Saint-Séverin-5e
En retenant ces trois présentations, Voir et Dire invite à voir Glory Moon à Saint-Merry >>>, avec son originalité, au-delà des traits communs de l’architecture et du médium.
Jean Deuzèmes
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