Avec « Foules », Carole Texier a choisi de développer la partie de son travail qui est en rapport avec la culture sociale et la dévotion populaire des processions de la Semaine Sainte à Séville. Ses œuvres réalisées pour le lieu parisien ne sont pas de simples agrandissements de dessins antérieurs, mais leur réinterprétation artistique : libération du trait, simplification accentuée des figures de crucifié, de souffrant outragé et rendu des foules, celles qui processionnent et celles qui regardent.
À Saint-Merry, quatre espaces, quatre sujets, quatre mises en scène, quatre approches artistiques :
• Transept
En occupant les places des quatre grands retables actuellement en restauration, Carole Texier donne à voir, à la même échelle, quatre façons de saisir le thème de la crucifixion dans les chefs d’œuvre sévillans, des christs encore vivants ou déjà morts. Les lignes noires sur le fond blanc contribuent à l’unité de cet espace majeur de l’église et visible de toute part ; avec les formes différentes de ses dessins, elle s’adresse à tout homme croyant ou non.
• Bas-côté
En accrochant trois grandes figures sévillanes de Christ aux outrages face à un chef d’œuvre de Saint-Merry, la grande sculpture en bronze éponyme de Pierre de Grauw (1975), Carole Texier rend hommage au sculpteur français, mais mesure à nouveau les rapports entre plusieurs traditions de représentation (bois, bronze) et la sienne (dessin). Pour cela elle joue avec l’architecture des piliers du XVIe et l’espace carré plus sombre qu’ils délimitent.
• Le claustra
L’artiste se glisse dans un espace plus intime, avec une multiplicité de petites estampes qui sont des travaux antérieurs : tout se passe comme si elle composait avec les murs de pierre bruts un nouveau livre d’artiste, ouvert simultanément à toutes les pages. Elle pare un espace de la méditation libre et de la découverte artistique.
• Un axe perpendiculaire à la nef
Le dernier point fort, et non des moindres, de cette exposition donne le sens à son titre. Avec ses huit grands dessins de foules, quasi abstraits, mais ancrés dans une tradition picturale renaissante, l’artiste compose une scénographie saisissante axée sur une belle sculpture de Saint-Merry, une pietà du XVIIe. Le regard traverse l’église dans toute sa largeur. Les foules sont ici représentées explicitement alors qu’elles sont absentes des autres dessins représentant un homme seul, dans la souffrance. Or ces foules y sont pourtant bien présentes, mais en creux : celles que forment les visiteurs et que l’artiste n’a pas besoin de figurer, car elles sont réelles et regardent.
À Séville, la foule est partout ; à Saint-Merry elle est dans le dessin et devant le dessin. La mise en abîme fonctionne grâce à l’architecture du lieu, durant un temps liturgique spécifique : Pâques.
L’artiste aborde la puissance potentielle des foules. Sans le revendiquer, elle demeure fidèle à la structure des Textes : les évangiles sont construits sur les rapports entre un homme et des foules aux passions, attentes et désirs multiples, jusqu’à la menace et à la réclamation de la mise à mort.
Avec « Foules », Carole Texier donne à ressentir que nous sommes membres de ces foules changeantes. Son regard est un miroir tendu aux visiteurs.
"Comment faire de ces foules un peuple ?" (JC)
Jean Deuzèmes
Les dessins de Carole Texier ont comme modèle à Séville :
Les christs en croix
• Santísimo Cristo de la Expiración (Hermandad del Museo)
• Santísimo Cristo de la Conversión del Buen Ladrón (Hermandad de Montserrat)
• Santísimo Cristo de la Buena Muerte (Hermandad de los Estudiantes)
• Cristo del Millón
Les christs assis
• Santísimo Cristo de la Coronación de Espinas (Hermandad del Valle)
• Santísimo Cristo de la Humildad y Paciencia
• Nuestro Padre Jesús de las Penas (Hermandad de la Estrella)
Données techniques :
• Bas-côté, transept et perspective : dessins au fusain
• Les christs assis : 150 x 65 cm
• Les christs en croix : 200 x 150 cm
• Les foules : 2 dessins de 200 x 150 cm, 6 de 200 x 75 cm
• Claustra : estampes, de tailles variables. gravures au burin, gravures sur bois et sur lino.
>>
Voir et Dire, un réseau sur l’art contemporain, pour le comprendre et l’apprécier.
Retour page d’accueil et derniers articles parus >>>
>>
Recevoir la lettre mensuelle de Voir et Dire et ses articles ou dossiers de commentaires d’expositions, abonnez-vous >>>
Merci de faire connaître ce site dans vos propres réseaux.