Magritte nous avait prévenus : ceci n’est pas une pipe. De même, lorsqu’un peintre relate une histoire, il construit une image à partir d’une sélection de séquences. Hypothèse : Et si cette construction n’était pas le fruit de la seule conscience ?
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Lorsqu’autour des années 1455-60, Paolo Uccello reprend un scénario qu’il a déjà exploré deux fois, en 1425 (musée de Melbourne) et entre 1430-35 (Paris), il s’appuie sur le texte de Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes, qui, deux siècles plus tôt, a, dans son ouvrage « La légende dorée », réuni une suite de vies de saints dont celle de saint Georges, un tribun des armées romaines converti au christianisme. Or, tout récit possède une trame narrative avec un début et une conclusion. Comparer visuellement les versions de Londres, Melbourne, Paris.
1. Le scénario
En neuf temps forts :
1/ [**Le lieu*] : la ville de Silène en Libye. Derrière les remparts vivent une population et son roi. Dans la campagne avoisinante, des pâtures et un vaste étang où vit un dragon qui terrorise les habitants. Chaque jour, il se nourrit de deux brebis.
2/[**Mais*] : la nourriture animale vient à manquer. tiré au sort par édit royal, un être humain est livré au monstre en supplément d’un animal.
3/[**L’élément déclencheur*] : le sort désigne la fille du roi. Celui-ci tente bien d’offrir tout son or voire son royaume pour sauver sa fille, mais le peuple est intransigeant. Elle sort donc de la ville.
4/[**Le héros*] : ce jour-là, passe le chevalier Georges qui aperçoit une femme en pleurs, s’approche, l’interroge et propose d’affronter la bête.
5/[**Le combat*] : sur son cheval blanc, après s’être muni de la croix, il affronte le dragon et, avec sa lance, le blesse (le terrasse).
6/[**Une victoire sous condition*] : l’animal est dominé. « Lance ta ceinture et enroule-la autour du cou de la bête » ordonne-t-il à la princesse. Tous trois rejoignent la porte de la ville. Georges pose ses conditions : le roi et la population doivent se faire baptiser.
7/[**Tout le monde accepte*] et c’est alors seulement qu’avec son épée, il tue le dragon
8/[**Le Roi fait élever une église*] de laquelle jaillit une source vive dont l’eau guérit toutes les maladies de langueur. En outre, il offre à Georges une grosse somme d’argent aussitôt redistribuée aux pauvres.
9/[**Georges part vers son destin*] : le martyre.
Saint Georges et le dragon. Uccello et les peintres du XVe au XXIe siècle from Voir & Dire on Vimeo.
2. Quelle séquence choisir ? Et quel sens cela peut-il avoir ?
La richesse de cette histoire est telle qu’elle se retrouve illustrée au fil des siècles. Si Paolo Uccello réunit les séquences 5 et 6, les choix sont très différents dans d’autres œuvres et, du coup, le contenu du message envoyé :
a. XIVe monastère Decani en Serbie.
Le combat est terminé, le dragon est docile et mené jusqu’aux portes de la ville en un mouvement qui va vers la droite. La conclusion demeure suggérée.
b. Jost Haller XVe, peintre alsacien (M d’Unterlinden à Colmar).
En pleine action, le dragon résiste, la princesse attend, pas de château, pas d’étang. Le perroquet est un symbole de pureté, d’innocence et désigne parfois le Christ.
c. Vittore Carpaccio, 1502, Venise, Scuola di San Giorgio degli Schiavoni.
Cette fois, la légende réclame un triptyque. Le combat s’inscrit entre deux autres séquences : le triomphe de saint Georges et le baptême des Sélénites. Le peintre privilégie le face-à-face avec, en fond, la ville de Silène. Le cheval est brun.
d. Raphaël 1503-1505 (Louvre).
Saint Georges se présente en héros face aux menaces de l’animal. La princesse effrayée fuit. La lance a déjà blessé l’animal. Il s’apprête à le tuer avec son épée et ce, sans condition. Ce héros n’est pas très loin de Superman.
e. Tintoret 1558 National Gallery.
À l’héroïsme « clair » de Raphaël succède avec le maniérisme du Tintoret, la mise en avant d’une animalité reliée au sombre et au cauchemar. On pourrait noter la différence d’attitude de la princesse dans la version de l’Hermitage.
f. Gustave Moreau 1889-90 National Gallery.
Le héros frôle l’androgynie, la princesse est en lévitation sur son rocher, immatérielle.
g. Giorgio de Chirico, 1940.
De l’histoire ne demeure que la femme « nue », confiante qui attend la fin d’un combat dont l’issue est certaine. Saint Georges en James Bond.
3. Une histoire peut en cacher une autre.
La légende de saint Georges n’est pas la seule à mettre en scène le combat d’un héros et d’un monstre. Ce thème se retrouve dans d’autres récits (mythiques, légendaires, bibliques) et traverse ainsi différentes époques et diverses régions du monde comme s’il répondait à un appel venu de l’imaginaire planétaire. Un thème qui, sous diverses autres formes, se retrouve aussi au cœur de certains rêves. Ce sont des archétypes dirait Jung. Ils véhiculent une suite de symboles vivants (entendez actifs) au cœur de la psyché. Freud en avait noté l’existence dans certains récits oniriques et parlait alors de « reliquats archaïques », entendez des forces inconscientes qui ne dépendent pas du vécu de la personne, mais proviennent d’un fonds culturel vaste autant que très ancien.
Autrement dit, notre saint Georges, la princesse et le dragon se retrouvent, mais sous d’autres « habits », dans d’autres écrits :
a) Dans l’Égypte ancienne : Horus cavalier, IVe PC (Louvre).
Horus venge la mort de son père Osiris, tué par son frère, le dieu Seth, dieu de la confusion, du désordre, de la perturbation. Ce dernier se métamorphose en crocodile afin d’échapper à Horus qui déjoue cette ruse. Pas d’affrontement, Seth est immobilisé.
La thématique est celle d’une vengeance par rapport au meurtre du père.
b) Dans la Grèce antique : Persée et Andromède. Vase corinthien à figures noires VIe AC (Berlin).
Danaé, après avoir été séduite par Zeus (transformé en pluie d’or), donne naissance à Persée. Ce héros deviendra célèbre après sa victoire contre Méduse (déjà chez Hésiode). Il épousera Andromèe après l‘avoir sauvée d’un monstre envoyé par Poséidon qui avait défendu l’honneur des Néréides suite à l’affirmation de Casiopée, la mère d’Andromède, prétendant être plus belle. Après avoir combattu le monstre à coups de pierres, Persée épouse Andromède.
L’artiste privilégie le moment de la récompense : le mariage comme Happy end.
c) D’après les Métamorphoses d’Ovide.
Piero di Cosimo, 1515 (Florence). Trois épisodes en une seule image : dans le ciel, le héros, les ailes aux talons.
Le combat auquel assiste Andromède attachée non au rocher, mais à un arbre mort ; à gauche, le peuple pleure.
Enfin, la victoire (à droite) : lauriers, musiques ; Persée rend sa fille à son père.
d) Dans l’Apocalypse.
SaintMichel archange à la fois héros combattant le diable-dragon et juge (peseur d’âmes). Fresques de l’église Saint-Eutrope à Allemans du Dropt (Lot-et-Garonne) XVIe. Ici on trouve réunis les deux pouvoirs du saint, l’alpha et l’oméga, le combat et le jugement dernier.
Raphaël, 1518 (Louvre).Même option pour le peintre italien qui place tous les monstres et, en arrière-plan, les déchus et les sauvés.
e) Dans la vie des saints martyrs.
Sainte Marguerite d’Antioche. Jacques de Voragine Pour avoir repoussé les avances du roi Olybrius et refusé de renier sa foi, elle est avalée par un monstre dont elle transperce le ventre à l’aide d’une croix. Cette fois, le héros est une héroïne.
Giulio Romano 1518 (Vienne) sur un dessin de Raphaël
Une autre version est conservée au Louvre.
Titien, 1559, Prado
f) Dans la littérature « chevaleresque ».
Roger et Angélique. L’Arioste, XVIe épisode, extrait du « Rolando furioso » : au temps des guerres entre Charlemagne et les Sarrasins, le scénario oppose deux héros (occidental –Roland- et oriental –Roger-) à une princesse orientale convoitée qui avait été amenée en France par Roland.
Dans le chant X, Roger, chevalier sarrasin, délivre Angélique au moment où elle va être avalée par un monstre marin auquel elle a été offerte en pâture par des pirates qui l’avaient enlevée.
Les armes de Roger : un anneau merveilleux, un bouclier magique et un hippogriffe (mi-aigle, mi-cheval). Alors que Roland, de son côté, a sauvé Olympie en usant de la ruse. Roland comme Roger seront éconduits par Angélique.
Ingres, 1819 (Louvre)
Mais le thème peut glisser de l’un à l’autre :
Böcklin (ou Roland sauvant Olympie) interprétation très libre.
Odilon Redon.. ou Persée et Andromède.
4. Le Saint-Georges : Uccello vs Mantegna
Uccello a atteint la soixantaine lorsqu’il peint son Saint-Georges (1455-1460) et a derrière lui les grandes commandes du Cloître vert ou des batailles de San Romano. Au même moment (1459-1460), Mantegna, qui travaille encore à Padoue, n’a pas trente ans.
Uccello a traversé la révolution de la peinture qui a mis en place la maîtrise de la perspective artificialis dont Masaccio est le premier représentant au début du XVe florentin.
Mantegna (1431-1506) qui appartient à la génération suivante excelle au sein d’un savoir acquis. Le premier se sert de ces nouvelles pratiques pour construire le réel (on songe au cubisme) alors que le second en use dans le cadre de l’illusionnisme. On pourrait ici comparer « La bataille de San Romano » ou « Le déluge » aux portraits, aux fresques de Mantoue ou encore au célébrissime « Christ mort » conservé à Milan. Quelles conséquences sur le choix et les représentations de l’épisode du Saint-Georges ?
Quel enseignement retenir de la comparaison des deux tableaux ?
Uccello : 1455-60, 56.5 x 74 cm, Londres (version différente de celle du musée Jacquemart André)
Choix de deux moments : saint Georges sur son cheval blanc terrassant le dragon avec sa lance et le dragon terrassé, relié à la princesse par sa ceinture.
Les absents : la ville, les habitants, le roi.
Le vaste étang. À sa place, une grotte dans laquelle on aperçoit l’eau.
La campagne. À sa place, un jardin dessiné.
Saint Georges, poussé par un souffle tourbillonnant se dirige vers la gauche
Le dragon est vivant.
Mantegna, 1459-60 , 66 x 32 Milan
Choix du moment : Saint-Georges vainqueur portant la lance brisée. Aux pieds, la tête du dragon. Au loin, la ville. En contrebas, le lieu du combat, la grotte.
Les absents : la princesse, le roi, les habitants.
Aucune présence de l’eau, l’entrée de la grotte comme un détail.
Saint-Georges pose dans l’encadrement d’une ouverture en pierre taillée. La guirlande de fruit (inspiration romaine).
Le dragon est mort.
Saint Georges : en armure avec une auréole en or (reflets) regarde vers la droite
5. Uccello à la lumière d’une analyse du symbolisme de l’image
La création d’un tableau, comme image, témoigne du lien entre conscient et inconscient. L’inconscient se glisse toujours dans une création, mais le peintre peut ou non laisser libre cours aux liens entre les deux parties.
D’où, l’intérêt de la comparaison entre Uccello et Mantegna autour d’une même image symbolique : la légende de saint Georges.
**Uccello (tableau de Londres) à la lumière d’une analyse symbolique.
Voyons d’abord l’œuvre d’Uccello.
1. Mise en rapport de l’inconscient et du conscient
Inconscient : la grotte dans laquelle le sol est une étendue d’eau : deux symboles de l’inconscient.
La grotte est informe, non articulée ; l’eau est une surface miroir
Le dragon en sort (action), y puise son énergie
Direction : vers la droite (axe de victoire)
Conscient : la terre est couverte par un jardin dessiné de manière orthogonale (donc maîtrisé)
Le héros, saint Georges, l’homme d’action qui maîtrise à la fois son cheval et son arme. Il désigne ici la Persona
Direction : vers la gauche (axe de la défaite)
2. L’individuation
Découvrir l’ombre. Mise en évidence des oppositions
Le jardin : articulé en un langage clair, mais il dessine un labyrinthe, c.-à-d. un chemin vers un secret, la quête du centre.
La grotte : une part d’ombre à la fois menaçante et utérine (la Princesse est située entre cette ouverture et le dragon). Notons que le texte évoque un vaste étang, ici contenu dans la grotte ; l’eau est aussi un principe fécondant autant que, par le côté lisse de sa surface, un miroir.
Le chevalier porteur d’une armure, mais tout en formes douces et courbes, voire circulaires, convexes, concaves. Il terrasse la bête.
Le dragon est blessé à l’œil, cet outil de connaissance et de contrôle de l’espace, donc des limites.
Un travail « en marche », vivant (symboles liés à l’émotion)
Le chevalier : uni au cheval qu’il maîtrise et avec lequel il fait corps via un même traitement « géométrique ». Cette union avec le cheval et son action le place du côté du moi-héros allant combattre le dragon, mais sous le signe d’une aide (le souffle) ce qui le différencie de la version de Raphaël par exemple. Ici, saint Georges est sorti de la forêt et se trouve sur un tracé de labyrinthe.
Le dragon : ici unifie le souterrain, le terrestre et l’aérien : queue de serpent, griffes et ailes. Il sort de la grotte et met une patte sur le labyrinthe. Il est désormais soumis… mais à qui ?
La princesse à gauche regarde vers la droite avec un très grand calme. Ici, elle symbolise l’anima, le principe féminin d’une psyché masculine (saint Georges-Uccello). Elle se situe du côté de la grotte, mais s’en détache. Elle sort de l’ombre, intègre la scène. Sa présence manifeste un temps où l’harmonisation des différentes parties de la psyché est en marche vers le Soi.
Encore faut-il situer l’image de cette anima surprise dans la composition du peintre dans l’échelle d’individuation proposée par Jung. Or, le psychanalyste distingue quatre niveaux de cette féminité que l’homme porte au cœur de lui-même :
1. La femme primitive, sauvage (Ève, Vénus, les sirènes, la femme fatale)
2. La femme d’action (Jeanne d’Arc, Diane, les Amazones)
3. La femme sublimée (Sainte Vierge, Isis, Déméter)
4. La femme sagesse (déesse-mère, initiatrice)
Ici, la princesse symbolise plutôt la femme sublimée, soit le troisième stade.
Quant à l’archétype lumière, il n’est pas encore affirmé même si on peut voir dans la présence du clair de lune argenté, sa future apparition. (au-dessus de la tête de saint Georges)
3. Un mandala de facto
L’œuvre représente donc, à sa façon, ce que, dans d’autres cultures, on appelle un mandala. Soit, une construction qui active notre cheminement en nous-même.
Chez Uccello, ce chemin se fait au prix d’un lien entre les traditions venues de deux temps que tout, en apparence, oppose : Ghiberti (fin du Moyen Âge)- et Brunelleschi, soit la perspective naturalis (l’expérience intuitive, l’œil) et la rationalisation de l’espace (la perspective artificialis).
Et de rappeler qu’UCCELLO signifie petit moineau. Un homme qui avait choisi de dépasser le certain (idéal de la première Renaissance) pour l’incertain. Un long chemin parcouru depuis la première version de 1439-40 conservée au musée Jacquemart André à Paris.
6. Et Mantegna ? Et aujourd’hui ? Des lectures symbolistes
Le tableau de Mantegna livre un tout autre message :
La scène est encadrée, limitée par la pierre construite de main d’hommes, une architecture. Le héros porte une armure réaliste, son « aura » n’est plus un souffle, mais une assiette dorée. Le dragon est mort. Que reste-t-il de la présence de l’inconscient ? La petite grotte placée dans le plan médian ? Mort le dragon, tué dès la première rencontre (rappel, la lance, le terrasse, l’épée le tue). Absente la princesse. A leur place, une habileté de peintre réaliste qui énonce à la foi son savoir-faire et son savoir intellectuel, ses connaissances (la guirlande romaine). Saint Georges est loin, très loin de la ville que l’on rejoint par un long chemin sinueux. Il est seul et jouit seul de son orgueil.
Mais sa certitude annonce en fait le doute dont Michel-Ange puis Le Tintoret seront les principaux représentants. Ce doute qui menace aussi, comme le prédit Jung, la société occidentale dès lors qu’elle ignore le souffle offert par nos parts d’ombre.
Un héros peut en cacher un autre. Uccello représente aussi une époque qui est celle d’une ambition et à laquelle il répond en unifiant deux approches apparemment opposées et à travers elles, sa psyché. Mais aujourd’hui, saint Georges est-il toujours un symbole vivant ?
Oui. On en retrouve la présence aussi bien chez Andy Warhol (qui semble avoir privilégié l’essentiel) en 1984 que dans la publicité imaginée par Julie Michelet en 2015 pour « l’eau pure de Saint-Georges » (Corse). La légende fait aussi partie de grandes traditions folkloriques et se retrouve, à peine déguisée, à travers les figures de héros américains comme Flash Gordon. Elle est aussi reprise dans un tableau de Maxim Kantor récemment exposé à Paris.
Guy Gilsoul
7. Kantor (2017)
En 2017, Maxim Kantor a réalisé une exposition majeure >>> pour Saint-Merry. Il a peint spécialement pour le lieu trois grands tableaux où il exprimait sa foi de peintre et de croyant dont « Grande rosace : Saint Georges et le dragon » (2017, Huile sur toile, 250 x 270 cm), œuvre singulière par sa taille, sa forme et sa construction. La symbolique est cumulative, comme dans toutes ses œuvres, et l’admiration qu’il a pour Mantegna — il a comme idéal celui des peintres de la Renaissance— fait que cette toile s’inscrit dans le sillage de l’analyse précédente.
La forme ogivale situe la destination du tableau, cette œuvre est pensée pour une église et la rosace colorée centrale exprime le questionnement de l’artiste sur celle de Saint-Merry qui est faite de simple verre blanc et est cachée par l’orgue : Kantor a imaginé ce qu’aurait pu être ce vitrail dans l’esprit du lieu. Ce tableau joue donc avec le principe de la maquette du carton de vitrail. Le titre est explicite. Le bleu est une des couleurs récurrentes de ses tableaux, à la fois la mer et le ciel et tous les symboles attachés.
Son « Saint Georges et le dragon » est une allégorie, politique
et religieuse, qui s’appuie plus sur le livre de l’Apocalypse que sur la légende de Voragine : la victoire de la foi sur le démon. Ce tableau reprend quelques traits de celui de Mantegna (auréole, lance cassée), mais est plus dynamique et plus pessimiste (la bête n’est pas terrassée, son ventre est plein).Avec ses petits personnages hybrides, ce tableau est dans l’orientation suivie par l’artiste depuis cinq ans, « le nouveau bestiaire » ainsi qu’il la dénomme, marquée par son attrait pour les dragons et démons du Moyen Âge, ainsi que pour les figures des super héros ; il a de nombreuses fois travaillé sur Robin des bois, ici saint Georges.
- Au centre, le bouclier en forme de croix, une force protectrice. Le chevalier, son père, un intellectuel russe résistant, auquel il rend hommage dans la plupart de ses œuvres ; la princesse, sa femme, qui revient sans cesse ; les deux enfants, qui se serrent par solidarité devant le mal, sont ses deux fils. Presque un tableau de famille !
- Les feuillages sont des chardons, plantes emblématiques de l’île de Ré où il vit et travaille. La roue de suppliciés est à la fois une image médiévale et un signe du temps qui passe avec toujours les mêmes lots d’atrocités que l’homme inflige à ses semblables.
- La bête, un crocodile dragon, une figure bien connue, celle de Poutine, l’incarnation du mal pour cet ancien dissident russe. Dans son ventre, un autre dragon en gestation, la menace du mal répétitif, que le chevalier tente d’éliminer en plongeant sa lance dans la gueule.
En revendiquant une peinture figurative, hautement symbolique, le peintre fait de la résistance dans les courants artistiques contemporains. L’enjeu du tableau n’est pas qu’esthétique, il est moral et politique.
La passion que les peintres ont eue pour saint Georges, figure du super héros, ne signifierait-elle pas que ces artistes s’identifient à des héros de la peinture de leur temps, dans des combats esthétiques notamment ?
Jean Deuzèmes
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