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Pascal Haudressy. Le cœur qui nous anime



Une vidéo à la place d’un retable à Saint-Eustache. Un pari audacieux et très juste, en adéquation de sens au lieu. Intense et envoûtant, une référence.

L’église Saint-Eustache [1] accorde un grand soin à la présentation d’œuvres temporaires (notamment durant les Nuits Blanches) ou pérennes des arts visuels. L’organisation de ce vaste bâtiment et sa luminosité sont propices à des œuvres originales et fortes utilisant de la lumière et de la vidéo.
Avec « Le cœur qui nous anime » du vidéaste français d’origine tatare Pascal Haudressy, la commissaire Françoise Paviot, galeriste reconnue, renouvelle subtilement l’atmosphère de la chapelle Saint-Louis. Elle a placé un écran vidéo verticalement sur l’autel, qui s’insère avec justesse dans l’environnement tout en bois.
L’image, le dessin géométrique en vibration d’un cœur, participe de la composition axiale de ce lieu et dépasse les sens habituels des retables qui illustraient des vies de saint ou le mystère célébré à l’autel, le prêtre étant dos au public. Du fait des nouvelles pratiques liturgiques [2], ce type de panneau est délaissé et devient un simple élément patrimonial [3].
Placer une œuvre qui attire l’attention du visiteur ouvre parfois à d’autres usages, non plus sacramentel ou de dévotion, mais de redécouverte d’un espace, de réflexion culturelle au départ et d’ouverture spirituelle. La pièce « Le cœur qui nous anime » est une vraie réussite pour la justesse du thème et la qualité du montage.
Jean Deuzèmes

Lire aussi à propos de "Brain" autre œuvre de la même série, dans Voir et Dire >>>

Pascal Haudressy. Le cœur qui nous anime from Voir & Dire on Vimeo.

**Présentation par la commissaire

Ce qu’on voit n’est pas ce qu’on voit.

« Une géométrie hypnotique ou méditative » : c’est ainsi que Pascal Haudressy caractérise ce qui est à la source d’un de ses premiers travaux présenté ici et qui fait partie d’une série intitulée Organs. Il s’agit d’un ensemble de vidéos en boucle où le cœur est représenté isolément à l’aide d’une couleur spécifique – rouge- sur un fond noir. Cette œuvre pourrait rappeler l’imagerie médicale, mais la comparaison s’arrête là. Avec ces « dessins électroniques », il est plus question de processus, de cycle et de rythme que d’exactitude anatomique. Ici la représentation du cœur, organe essentiel à l’activité du corps, s’inscrit dans un système de répétition perpétuelle. Le dessin ne produit pas un modèle fixe mais s’élabore dans le changement comme une géométrie méditative qui mènerait à une représentation figurative mais avec une perception élargie. On oppose souvent visible et invisible, abstrait et figuratif. Les nouveaux outils de création électronique incarnent cette fusion du matériel et de l’immatériel et c’est tout notre rapport au temps et à l’espace qui s’en trouve modifié.

Les contours multiples des choses.
« Les classiques désiraient la bonne silhouette, celle d’une médaille. Mais on sait que depuis la modernité en peinture seront privilégiés les contours multiples des choses. Une pomme de Cézanne ? Un portrait de Giacometti, un nu de Picasso ou de Bonnard, une combine painting de Rauschenberg, expriment des bords tremblés... ». Pascal Haudressy fait rebondir le propos et exploite les capacités expérimentales du nouveau médium pixellisé. Il parle lui-même d’un « dessin déréglé ». Des milliers de pointes jaillissent de la forme, construisant et déconstruisant sans cesse les limites des corps.

L’influence de ce qui appartient à l’immatérialité s’impose.
Paul Türks dans sa biographie de Saint Philippe Néri rapporte ce texte : « Tandis qu’il priait ainsi un jour de l’an 1544 avec grande ardeur, il sentit soudain dans son cœur une telle explosion du grand amour du Saint-Esprit, qui le submergeait, que le cœur se mit à battre si fort dans sa poitrine qu’on pouvait l’entendre du dehors. C’était comme si cet amour voulait tirer jusqu’au ciel ce corps pesant de sa nature ». Le hasard de cette rencontre à quelques siècles de là nous rappelle que la symbolique du cœur dans sa réalité physique et spirituelle joue un rôle important. La paroisse Saint Eustache n’est-elle pas le cœur des Halles ? Ici c’est un Saint qui nous est proche qui nous offre ce témoignage fort et qui nous invite, comme le fait l’artiste, à nous tourner vers l’immatériel. FP

Né à Paris en 1968, Pascal Haudressy est un artiste français d’origine tatare. Ancien responsable culturel à l’Unesco, Pascal Haudressy a initié, en 1992, le projet des « Drapeaux de la Tolérance » en collaboration avec six grands artistes dont Robert Rauschenberg, Roberto Matta et Seydou Keïta. Au cours d’un séjour à Samarcande, son pays d’origine, sa vision se trouble et s’approfondit au contact de l’architecture et de ses innombrables ornements. « Tout y est d’une fixité vibrante », dit-il, « les entrelacs y composent et décomposent des motifs fugaces. Les mosaïques préfigurent nos images pixellisées, les étoffes, les tapis et leurs motifs imbriqués aspirent le regard et l’animent d’un mouvement kaléidoscopique. Nous sommes alors au cœur d’un univers abstrait, mathématique et spirituel fondé sur le rythme et la répétition ».

Françoise Paviot

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Visible jusqu’au 31 août 2017

Contact pour l’art contemporain : Françoise Paviot - artcontemporain@saint-eustache.org


[1L’église Saint-Eustache est un des hauts lieux de la culture classique et contemporaine de Paris. Situé à côté du futur musée privé de François Pinault à la Bourse du commerce et face au forum des Halles réhabilité, il est probable que sa place ne fera que se renforcer.

[2Une communauté de fidèles et un célébrant face-à-face sauf dans des milieux traditionalistes.

[3Saint-Eustache a étendu cette vision patrimoniale à l’art contemporain, en ayant accueilli des splendides œuvres pérennes de Raymond Mason, Keith Haring etJohn Armleder.

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