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Inside. Palais de Tokyo



Une exposition/expérience unique de descente dans la psyché humaine et dans le Palais de Tokyo transformé par des artistes. Une métaphore (Homme/musée) troublante. Sans concession. Un succès de génération.

Lors de la série d’expositions précédentes (14 février-7 septembre 2014), le Palais de Tokyo avait laissé la parole à des poètes, des philosophes, des artistes sur les conditions de fonctionnement du monde actuel, avec pour exergue la phrase de Giorgio de Chirico : « L’artiste, cette sentinelle sur la route à perte de vue des qui-vive. » Dans la mesure où, si l’on en juge les médias et les enquêtes, notre planète se vit sur le bord du gouffre économique, social, politique, il en était ressorti des séquences muséales angoissantes, et des œuvres coup de poing, parfois cérébrales et difficilement compréhensibles. Les expositions rassemblées sous le titre « L’état du ciel » faisaient écho à cette phrase de Victor Hugo : « L’état normal du ciel, c’est la nuit » et montraient surtout la nuit. Succès mitigé.

Jean de Loisy, le directeur du lieu, récidive dans la même veine de l’introspection, non plus sociale mais individuelle alors que de l’autre côté de la Seine, le Musée d’Orsay propose au même moment une exposition sur Sade .

« Inside » joue sur les mots. On n’y voit pas des œuvres accrochées, mais on visite l’intérieur du Palais de Tokyo qui a été transformé par les artistes, parfois sur le mode du Street art, ou plus souvent selon une muséographie accentuant le projet : mettre le spectateur à l’intérieur des œuvres et l’éprouver dans ses perceptions. « Inside » est conçue comme une métaphore des pensées humaines et des craintes les plus secrètes, bref, un voyage initiatique.

Si « Ciel » affichait une vision dépressive, angoissée du corps du monde, « Inside » plonge dans les émotions qui nichent dans le cerveau et le corps de l’homme : l’horreur, l’effroi, mais aussi le désir et la joie.

« Inside » ressemble à une vaste mise en miroir de la psyché, et non pas un ersatz de psychanalyse en œuvres, dans laquelle on peut reconnaître certaines de nos émotions. On y joue à s’y reconnaître, jusqu’à se confronter à nos noirceurs, sur le mode d’un grand spectacle artistique, de façon profonde, sensuelle, réflexive et non simplement trash ou extravertie.

On y redécouvre aussi des grands classiques contemporains remis en scène, tels que « La sortie est à l’intérieur » de Jean-Michel Alberola, qui conclut le parcours et suggère (peut-être) que la solution de toute question se niche dans l’intériorité de l’homme.

C’est ce qui en fait un succès populaire et un prolongement du concept/exposition 2013 de Philippe Parreno qui interrogeait le musée comme œuvre (Lire V&D).

**Un parcours proposé par V&D

D’abord, on est surpris par la longue file d’attente de trentenaire avec plein d’enfants qui contraste avec la non moins longue file du musée symétrique, le Musée d’Art de la Ville de Paris, attirant des foules de quinqua ou sexagénaires attirés par expo sur Sonia De Launay.

En entrant, on comprend pourquoi : un tunnel en scotch transparents surplombe le hall (Numen/for use). Les enfants s’y faufilent jusqu’à l’entrée de l’exposition Inside. Une façon de les intéresser à l’art moderne, déjà utilisée à la gare St Sauveur à Lille ou au Macro à Rome.

Une forêt impénétrable et fascinante en carton sculpté ouvre ce voyage intérieur (E. Jospin). Lire article autour de l’expo de l’artiste à Saint-Merry

Plus loin, on chemine au milieu d’une accumulation impressionnante de décombres, savamment échafaudée, suggèrant le chaos, la dégradation boursouflée, peut-être la catastrophe (P. Buggenhout).

Puis le faux semblant d’un atelier évoqué par des bâches transparentes : des statues en cours d’élaboration semblent d’argile mais sont en bronze (M. Manders).

Inside est un labyrinthe alternant salles sombres et salles claires, voire aveuglantes, comme celle où sont exposées les sculptures d’arbres imaginées lors d’un test psychologique, « dessinez un arbre » (C. Berdaguer et M. Péjus).

Au lieu d’être le refuge accueillant qu’elle devrait être, une cabane en bois est le siège d’une mousson. C’est donc à l’extérieur qu’il faut s’abriter (S. Thidet). « L’homme qui tousse » est un mini-film en boucle difficile à supporter : assis sur le sol d’une pièce nue, un homme flou suffoque et crache, plaçant le spectateur dans une vision douloureuse (C. Boltanski).

Dans le « couloir de la mort », la vidéaste A. Rasdjarmrearnsook psalmodie un chant rituel dans une morgue pour accompagner des cadavres sans famille.

À l’opposé, des créatures affairées, monstrueuses et obsédées, en pâte à modeler, s’ébrouent sans relâche sur plusieurs écrans, entre fascination et répulsion (N. Djurberg et H. Berg).

D’autres chocs visuels ponctuent ce parcours comme l’œuvre de l’énigmatique Géorgien A. Wekua. Allongé et basketté, un corps juvénile et gracile s’encastre dans la maison de son enfance. Cette sculpture illustre l’affiche de l’exposition.

À la sortie du labyrinthe, une petite salle aveugle résonne de sons saccadés censés nous libérer des agressions visuelles subies…C’est l’œuvre historique de Bruce Nauman « Get Out of my Mind, Get Out of This Room », dont les œuvres sur le corps, parfois violentes, invitent le spectateur à une plus grande de prise de conscience de lui-même.

Puis, point d’orgue pour finir, Jean–Michel Alberola.

Et l’on ressort subjugué par la variété des univers dans lesquels on vient d’être plongé.

Philippe Mollon Deschamps

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