François Kenesi est à contre mode (le grand format couleur), avec ses formats carrés en Noir et Blanc qui signent un goût pour le classicisme, la perfection, une sorte d’intimité puisque l’observateur est amené à s’approcher. La grande marge blanche concentre l’intensité du regard sur un sujet dont on ne peut savoir s’il est concret ou abstrait. Chaque photo est composée de trois éléments : un ciel, un paysage banal auquel on n’a aucune raison d’accorder de l’attention et un dessin fait de quelques traits splendides, blancs, sur-réels.
On pense à Magritte, le surréaliste, et à ses compositions de grands ciels (avec nuages, lune en plein jour), de paysages de nature beaux et déjà vus, intégrant des objets ou des humains les plus divers :
« L’objet, la chose attachée à lui dans l’ombre de la conscience et la lumière où cette chose devait parvenir » (Magritte [2] ).
Mais François Kenesi, lui, ne parle pas d’angoisse.
Chez Kenesi, le dessin domine, éclaire. L’architecture est en surplomb de la photo. On peut même dire que l’architecte (le passé de l’artiste) est en surplomb du photographe (le présent de cet artiste).
« Des prises de vue de ce que je croise, ni pose, ni préparation, ni préméditation
...de vrais instantanés là-dessus, vient dans le temps long de l’atelier une intervention mûrie et abstraite »
C’est en allant sur le site de l’artiste que l’on peut découvrir l’origine éventuelle de ses photos. Il travaillait des paysages beaucoup plus structurés ‘ « Sans objets définis » et leur associait une forme pleine s’enchâssant exactement, sur un mode bien plus surréaliste. Dans cette nouvelle série, il a évidé ses formes dont on ne sait plus si c’est le vide ou le trait qui est important, sur un paysage réellement quelconque, notre quotidien ; « l‘esprit planait », l’artiste s’épure, il est en quête d’essentiel.
C’est peut-être le titre " Meta _ " qui donne une orientation d’interprétation : Meta « au milieu (de), avec, après », et bien sûr ce qui est en suspens (le mot est juste…) métaphysique, cette réflexion philosophique qui porte sur la recherche des causes, des premiers principes. Le fait de mettre à la fin un trait d’union « en bas », underscore, comme dans les adresses mail, indique que ces photos sont bien de notre temps.
Un approche "cosa mentale" inspirée par Leonard de Vinci ? Le travail de Kenesi tient de la mystique, comme dans les grandes toiles virtuoses classiques du baptême du Christ, avec la colombe entre autres attributs divins. Mais dans les photos, il n’y a ici ni oiseau, ni homme, ni foule.
Ces photos sont belles et à prendre comme vous le voulez. Cela tient du mystère ; mais dans chacune on voit un espace terrestre, un ciel et un signe dans le ciel. Un méta_mystère ?
Jean Deuzèmes