• [**Charlotte Szmaragd*]
Des dessins, un film projeté lors du vernissage, des poèmes.
Le projet "Les Pas perdus" prend sa source dans des lieux d’attente où les regards semblent perdus, comme absents, absorbés dans une fébrile immobilité. C’est dans cet espace vide du regard vacant que mon projet s’inscrit. Il s’agit de trouver et de donner une nouvelle présence à ces figures inconnues en leur prêtant une existence poétique appartenant à une autre réalité, décalée et fantasmée.
Cette impression instantanée fonctionne comme un déclencheur à un enchaînement d’interprétations artistiques (théoriquement illimité) : photographie, écriture poétique, dessin monotype en série. Ces opérations plastiques enrichissent cet espace y apportant un point de vue singulier, transformant chacune de ces rencontres fortuites en un monde clos fonctionnant par correspondances. Enfin, le montage vidéo, en recomposant la scène avec ces nouvelles modalités, met à jour la dynamique interne de l’œuvre et donne une nouvelle expérience du réel, émotionnelle et référentielle : un poème visuel tacitement ouvert à interroger le spectateur sur sa propre perception du quotidien, tel l’écho d’un pas connu résonnant dans une salle d’attente.
Ce film sonorisé est à voir en plein écran
L’œuvre est ambitieuse : des dessins monotypes de soie ou marouflés sur toile, une vidéo, des poèmes. Il s’agit aussi d’un travail sur le regard subjectif de l’artiste, sur la manière dont il réduit la distance avec son sujet pour le rendre poétiquement très proche ou encore pour exprimer, par la confusion des traits, que cette proximité peut faire perdre toute distance et compréhension.
• [**Bertrand Barachin*] dessine sur ordinateur des personnages déformés, des univers urbains colorés et soulevés par le vent, des réinterprétations d’œuvres ayant comme thème le travail qu’il a vues au BIT de Genève ; tout est ensuite contrecollé sur bois.
Une œuvre hallucinée, fortement existentielle et marginale d’un homme qui ne peut plus se déplacer, mais dont la peinture quotidienne est l’espace qu’il traverse de part en part. Un art brut, nourri cependant de culture, qui voit le Proche autrement.
• [**Sandrine Vergnères*] utilise le pastel et la craie grasse pour dire un univers urbain très proche, celui de Tanger, où elle vit et travaille.
"Une beauté humble"
"La rue m’offre une multitude d’images fortes, poésie involontaire, sans cesse recomposées par le hasard. Mon travail commence avec un petit appareil numérique, photos posées ou prises à la volée, pour l’exactitude. De ces images naîtront des pastels. Je travaille la couleur et la matière pour exprimer cette simple esthétique, je travaille le détail comme trace d’une réalité en partie destinée à disparaître."
Alors que dans sa famille beaucoup vivent dans l’univers du spectacle, de la scénographie, du film et du numérique, elle a choisi un médium ancien et traditionnel. Elle exprime la rue marocaine pleine de vie, des petites gens entre résignation et dignité, une société méditerranéenne à la tradition ancestrale de discussion et de commerce dans l’espace public. Sensible à la patience des individus, à leur appartenance à un islam traditionnel, elle traduit ce quotidien et sa proximité d’artiste en utilisant une riche palette de couleurs. Elle ne retient pas d’autres données sociales qui nous sont familières au Maroc et dans les autres pays du Maghreb : le désir d’émigration, la révolte, la soif de modernité, les tensions politiques et les clivages de valeurs. Le monde paisible pour lequel l’artiste a tant d’empathie va-t-il disparaître ?