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Mondes parallèles. 9-11 juillet à Saint-Merry



Une exposition qui tenait de la pluie de météores dans un ciel d’été. Surprenante, ironique, internationale et vraiment très contemporaine.

Durant l’été 2013, avec « Nouvelles vagues », le Palais de Tokyo et trente galeries parisiennes partagent un programme original de valorisation des travaux de commissaires d’exposition (les « Curateurs » dans la terminologie) issus de tous les pays et font ainsi découvrir simultanément des jeunes artistes et des manières contrastées de présenter l’art aujourd’hui.

Par une curieuse concordance des calendriers, Saint-Merry suivait une voie analogue : ouvrir les portes de l’église à des groupes de jeunes artistes très impliqués dans les démarches artistiques contemporaines et leur permettre de présenter leurs travaux du moment. Cette initiative portée par Marguerite Lantz, artiste résidente et co-responsable des « Rendez-vous contemporains de Saint-Merry », est intéressante car elle interroge cette fonction de Curateur pour un certain type de lieu et ses finalités, autant que sur concept, l’exposition éclair, ainsi que ses résultats.

« Mondes parallèles » rassemblait une dizaine d’artistes séjournant à la Cité internationale des arts, donc appartenant à des courants très éclatés du champ de la production artistique (principalement issus des pays du Nord). En se voyant proposer d’investir de multiples lieux de la façon la plus appropriée, selon leur sensibilité à cet espace du religieux si particulier de Paris, des plasticiens inconnus de la scène française ont ainsi cherché à traduire des résonances possibles entre le monde artistique et le monde religieux.

Le résultat fut à l’image des invités : hétérogène, innovant, cultivé, cocasse, ironique ou impertinent, profond et spirituel, multiple dans les médiums. Manifestement sincères dans leur rapport au lieu, apportant un souffle frais et prometteur mais si bref !

Bosko est certainement celui qui a montré le plus d’impertinence en posant une grande fusée de carton (4,5m) entre deux tableaux majeurs de Saint-Merry, l’un évoquant une sombre histoire d’hosties profanées (Le Miracle de l’hostie par Clément Belle-1759), et l’autre (L’Adoration du nom divin par les quatre saints -1640 de Simon Vouet) une quasi-extase de saint Merry (voir vidéo sur l’histoire de ce tableau : http://www.voir-et-dire.net/?Saint-Merry-et-ses-oeuvres). Faisant immédiatement penser à Objectif lune de Tintin cette œuvre prenait au mot une des fonctions des églises : « élever les âmes », transporter l’esprit des hommes ailleurs. Facétieux et astucieux.

Tiina Raitanen a réalisé une installation sur et autour d’un autel à l’aide de matériaux recueillis dans cette église en perpétuel mouvement. Bien conçu, cet assemblage était une image cocasse et somme toute fidèle de ce qu’est parfois le « bazar » de Saint-Merry, où les événements se succèdent et obligent à des prouesses logistiques, tout en abandonnant des matériaux et des objets épars. Avec les morceaux de bois, orientés vers le haut, et des objets, disposés en pied d’autel, il est probable que cette œuvre est passée inaperçue à bien des visiteurs qui devaient croire à des travaux en cours. Mais un paroissien attentif ne pouvait que sourire et réfléchir : du stock informe avait surgi une pensée basée sur le dialogue entre une esthétique de la récupération et les canons décoratifs du XIXe.

Lena von Gödeke, avec « Aposphere », a proposé une pièce profonde et subtile sur ce qu’est la méditation : une chaise seule, dans une petite chapelle, devant un petit tableau abstrait au bleu vibrant, accroché sur un mur à contre-jour. Il s’agissait d’inviter le passant à s’arrêter en laissant libre l’objet de sa méditation, non plus à partir d’un tableau de personnages religieux, mais à partir d’une ouverture (bleue) dans le mur.

Goldie Poblador, avec « Ang Halimuyak ni Philomena », a investi une chapelle où l’autel, associé à la peinture d’une sainte dans le plus pur esprit préraphaélite du XIXe, cache en fait un gisant en bois coloré, quelques habitués ayant l’habitude d’ouvrir les portes et d’installer une chaise devant pour y prier. Dans cet espace, cette artiste du verre a disposé des fioles colorées, suggérant des parfums et renvoyant peut-être aux textes sur Marie-Madeleine ainsi que des pétales de roses et des fleurs. Cette installation pouvait s’interpréter comme une mise en écho de la délicatesse de cette peinture d’autel. Mais elle voulait donner aussi l’image d’une sensiblerie religieuse émotionnelle.

Nathalie Häusler, avec « Bethsabée reste aux bains », livrait une pièce plus énigmatique : une peinture à plat au sol (ce qui était fréquent chez d’autres artistes présentés, comme si cet art noble était désormais descendu de ses cimaises), aux tonalités des Nymphéas de Monet, un banc qui s’inspire de ceux du musée de l’Orangerie, un thème biblique très connu dont le titre semble prendre à contre-pied les textes. Bethsabée ne commet pas l’adultère avec David, elle « reste » dans son bain ! Une œuvre de culture associant plusieurs œuvres et lieux parisiens mais étrange et qui semblait poser la question de ce qu’on vient voir/faire dans une église : voir (le voyeurisme de David) des œuvres, s’asseoir et méditer, faire flotter son esprit (entre l’érotisme suggéré du titre et le souvenir d’une visite à l’Orangerie) ? Sophistiqué et un peu alambiqué !

Andrea-Maria Krenn, avec « JE/TU », a réalisé une œuvre éphémère au sens propre du terme, la durée d’une bougie… En effet, dans un des endroits prisés de recueillement, loin des lieux très fréquentés, à savoir la chapelle de la Vierge, l’artiste a disposé de part et d’autre des bougies votives sur leur support dessinant ces deux mots fondamentaux de l’altérité. De quoi s’agit-il ? D’un dialogue amoureux, d’une relation entre celui qui prie et le destinataire de sa prière, du rapport anonyme entre les personnes quand elles sont ensemble dans cet espace ? Peut-être tout cela à la fois.

Splendide, simple et sensible.

Demien Bern, jeune artiste allemand, a transformé un panneau signalétique placé devant l’église "attention, laisser la priorité" en recouvrant le rouge par de la feuille d’or. Cet objet est alors devenu un symbole ésotérique (triangle) d’un nouveau type, questionnant l’entrée même dans l’église !

Ce micro événement à Saint-Merry, s’inscrit bien dans la dynamique de cette église et dans sa volonté d’accueillir des artistes. Il ne s’agit pas d’art sacré, ni d’expositions grand public, comme Voir et Dire les accompagne généralement, mais d’une recherche à laquelle les plus jeunes générations peuvent être sensibles, avec les codes habituels des curateurs, flyers parfois incompréhensibles en anglais et quelquefois traduits, vernissage débordant, échanges spontanés entre tous les protagonistes.

Ce concept juste correspond à l’esprit des Rendez-vous contemporains et dessine les contours d’une pastorale qui propose des nouveautés pour un public attiré par le « chaudron culturel » de Saint-Merry. Il est dans le mouvement de ce que la Galerie Saint-Séverin promeut depuis de nombreuses années, mais il apporte une autre dimension : celle du collectif d’artistes et de leur mise en réseau immédiate.

Cette exposition était une vraie bonne idée et avait réellement du sens, même si cela semblait échapper encore à des saintmerriens n’ayant pas leurs marques dans le champ nécessairement mouvant des relations entre art contemporain, foi et expression dans l’espace du religieux. Il est évident que la formule se rôde encore et sera accompagnée ultérieurement d’une communication la rendant plus accessible à tous.

Les météores des ciels d’été permettent de rêver et ouvrent à d’autres univers, des mondes parallèles…


Les 11 artistes de la Cité Internationale des Arts invités par Marguerite Lantz pour cette "exposition-éclair" : Anders Gronlen, Andrea Maria Krenn, Tiina Raitanen, Goldie Poblador, Sascha Appelhoff, Natalie Häusler, Christian Kolverud, Bosko Gastager, Demian Bern, Patricia Reinhart et Lena Von Gödeke.

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