Les arbres du « côté cour », les chapelles Nord et Sud.
Il y a mille et une manières de parler de l’arbre et de lui conférer du sens. Pendant longtemps, on a présenté la nature comme un décor permanent, l’arbre étant perçu sur le mode du collectif et appréhendé pour sa valeur picturale selon des inspirations différentes, comme dans le tragique romantique par exemple et ses forêts dévastées où encore dans l’émotion impressionniste des sous-bois. À l’opposé, de par sa forme, sa matière, sa verticalité, l’arbre renvoyait à l’homme et était abordé dans son individualité ; il se voyait investi de valeurs symboliques voire sacrées, dont l’arbre de la connaissance, celui de la Bible, d’Adam et Ève, est une source inépuisable d’inspiration : « Cataclysmes intérieurs ou catastrophes naturelles, l’arbre garde aussi les traces des fêlures de l’histoire. Miroir des conditions humaines, il n’en reste pas moins un motif formel extraordinaire » lit-on dans un catalogue du Collège des Bernardins.
L’art contemporain a remis en cause bien des points de vue antérieurs, avec le Land Art pour souligner le passage de l’homme avec ses actions éphémères ou ses installations. Un artiste comme Giuseppe Penone a fait de l’arbre le cœur de son œuvre, la synthèse de tous les éléments et une vaste réflexion philosophique sur la nature. L’arbre a été aussi au service d’un discours de dénonciation de la destruction de la planète ou d’un réexamen de questions artistiques passées : par exemple qu’est devenu le sens du sublime dans une société urbaine dominée par le règne de la marchandise ?
Si Antoine Dambrine, Adelaide de Saint Marc, Juan Manuel Silva ont produit des œuvres très variées, à Saint-Merry, ils exposent seulement leur approche des arbres, ces figures de la nature que l’on associe souvent à la vie. Le Collège des Bernardins a consacré à cette question une belle exposition. Lire l’article de V&D.
De leur approche spécifique avec des médiums différents, la photo, le fusain, la vidéo, les trois invités de Saint-Merry parlent peu et c’est dans le silence qu’il faut appréhender leurs œuvres.
Antoine Dambrine, en des mots très brefs, va à l’essentiel et conclut sur une sorte de facteur commun. « Je fais partie de la confrérie des photographes marcheurs, mes terres de prédilection : la Bretagne, l’Écosse, l’Irlande ; mon sujet : le paysage ; ma méthode : la contemplation ». Le visiteur est ainsi calmement livré à lui-même. Si ces œuvres prennent autant d’importance à Saint-Merry, c’est bien sûr par leur qualité et leur format, mais aussi car elles sont méditatives dans un lieu qui fonctionnellement est conçu lui-même pour la méditation.
**Antoine Dambrine
Antoine Dambrine est un photographe de paysages exclusivement en Noir et Blanc, qui accorde une très grande attention à la qualité de ses tirages. Il approfondit une certaine tradition classique et se réfère à des grands photographes américains, Ansel Adams, Edward Weston ou Michael Kenna, mais aussi français comme Jean-Pierre Gilson. Dans ces conditions, « ses » arbres ne sont pas dissociables de leur environnement, le paysage. Ses arbres solitaires sont autant de figures de la solitude et de la résistance aux éléments que l’aridité des arrière-plans suggère. En groupe, « ses » arbres, même chichement revêtus de feuilles, témoignent d’une vie collective. L’analogie avec l’homme est palpable. Et quand l’arbre disparaît, il reste le paysage ! D’où sa proposition équilibrée : trois photos de paysage avec arbres aux côtés de trois photos sans arbres.
Contact de l’artiste : antoine.s.dambrine@gmail.com
**Adélaïde de Saint-Marc
. Ses arbres laissant voir le ciel sont orientés et convergent vers un point inconnu. La dimension anthropologique est forte ; avec leurs branches, ils font penser à des bras d’homme dans une attitude d’oraison ou dans la clameur. L’arbre est ici pensé en dehors de tout paysage.
Cette jeune artiste de 22 ans construit une approche spontanément plus spiritualiste. « Au départ, j’ai traité ce thème un peu par improvisation et puis j’ai continué spontanément, sachant que la nature et la forêt m’ont toujours inspirée. Dans mon travail artistique je cherche à créer, à imaginer un paysage au fusain ou en couleur dans lequel le spectateur peut voyager. Il s’agit d’observer la nature et d’en retranscrire une vision intérieure. Dans mes forêts, le point de vue crée l’espace entre ciel et terre, donnant au ciel blanc une trouée vers l’infini, entre force et fragilité, enracinement dans le vie et élan vers la spiritualité »
Contact de l’artiste : ade_destmarc@hotmail.fr
**Juan Manuel Silva
Juan Manuel Silva est l’opérateur de Jacques Mérienne dans les films de la Nuit Blanche 2011, la Septima. Il a filmé les frondes des arbres de forêts de Colombie. Ses films sont une nouvelle découverte : des mouvements incessants, bref la vie même.
Mais pour des raisons techniques, cette œuvre n’a pu être projetée.
« Côté Jardin » : la nature à profusion !
Les artistes de la chapelle de communion et du claustra s’inscrivent dans une autre approche.
Nha Terra de Nedjma Berder a déjà séduit de très nombreux visiteurs depuis juin. Le photographe donne une autre image de l’Afrique, mêlant les questions de la biodiversité et de la dignité. Lire l’article de V&D.
Amor de Hombre (les misères) de Pascale Peyret est un projet qui débute : remplir de végétal l’espace de la nef du 1er au 17 octobre. Pour cela, les boutures ont été plantées et les visiteurs sont invités à participer au montage de cette exposition.
L’arbre, un sujet récurrent à Saint-Merry
L’arbre occupe sa place à Saint-Merry dans la décoration et revient bien sûr dans les expositions successives.
Jean Deuzèmes
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Exposition : juillet - août 2013.