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Keith Haring, The Political Line



Une exposition puissante et convaincante sur une figure de l’humanisme contemporain.

Tout le monde connaît les icônes pop de Keith Haring, cette étoile filante de l’art Newyorkais des années 90, que l’on porte sur des tee-shirts, des posters, ou encore ses grandes sculptures installées sur des espaces publics. Ses personnages pictogrammes vont à l’essentiel et sont des messages délivrés dans l’urgence sur de multiples situations humaines.

L’exposition du MAM est de grande envergure, son titre exprime avec subtilité et originalité la forme d’engagement total de l’artiste et son style graphique fondé sur la ligne.

Le nombre d’œuvres présentées et l’accrochage, par son classement et sa diversité, ainsi que le complément des grands formats au CENTQUATRE, sont une démonstration de l’exceptionnelle puissance créative de Keith Haring (1958-1990). La commissaire Odile Burluraux, qui avait déjà produit des expositions d’une grande intensité, cerne à la fois un personnage, une époque, le passage du street art à la reconnaissance du marché, un style, une posture d’artiste qui se saisit très tôt du monde globalisé. Le MAM permet de découvrir la figure d’un humaniste pour lequel dessiner était un acte politique.

V&D vous propose une analyse et ses photos.


Keith Haring, un style, un milieu, une époque, une pensée, un engagement

Un style.

Très tôt, Keith Haring construit un style sur le principe d’un trait dessiné dans l’urgence, sans esquisse préalable ni remords, plusieurs tableaux pouvant être réalisés en même temps. Avec ses grands à-plats, une ligne simplifiée qui court et sur laquelle s’accroche de nombreux éléments, il emprunte aux symboles mayas et à son calendrier, aux références égyptiennes (figures de crocodiles, dessins de profils), mais aussi aux récits de science fiction (soucoupe volante) et bien sûr à la Bande Dessinée et ses story boards . En utilisant comme motifs des pictogrammes qui correspondent au degré minimal de l’expression et de la signification, il construit des récits visuels et des messages d’une grande densité. Ses tableaux sont saturés et excluent le vide, à la différence d’un Jean-Michel Basquiat. L’artiste traduit ainsi dans chaque œuvre son hyperactivité et son implication totale dans ses sujets. Si ces signes se retrouvent d’œuvre en œuvre, les couleurs et les agencements changent et développent sa pensée. Il est donc à la fois pop mais aussi post-moderne, dans sa pratique de la citation d’arts les plus divers. Les corps sont simplifiés à l’extrême et la psychologie s’exprime dans les signes/lignes : les trous dans les personnage, les bras en croix, les ciseaux, les crocodiles et les chiens menaçants, etc.

Il n’y a pas de hiérarchie dans ses œuvres, tout est relation ou confrontation. La constance du style permet une reconnaissance immédiate de l’auteur, de la cause défendue, de l’émotion, même si ce langage des signes nécessite cependant la maîtrise des codes utilisés pour être bien compris. Son style relève du métissage cosmopolite, reflétant la dynamique du présent (les personnages cassés comme les danseurs de Hip Hop, ou des capoeira, de la break dance, la mode, etc.) mais s’appuyant aussi sur le passé et évoquant des images ou craintes de l’avenir. Keith Haring accomplissait ses œuvres, en écoutant la musique de son époque, dans la jouissance de la création, sans jamais s’arrêter, quels que soient les lieux où il a été appelé pour peindre. Ses sculptures ne sont que des dessins en 3D, sur des supports déjà existants ou créés à l’occasion. Il retrouve le sens de la couleur et renoue avec Léger, Calder, Oldenburg, à l’opposé de la stricte rigueur des artistes minimalistes de la décennie précédente.

Un milieu, une époque.

En arrivant de Pittsburgh à New York en 1978 pour y faire ses études d’art, Keith Haring se plonge immédiatement dans le milieu de la street painting en dessinant dans le métro, à la craie, sans signer, ses dessins étant immédiatement reconnaissables ; son objectif est de produire de l’art pour tous. Mais il le fait de manière respectueuse, c’est-à-dire sur les parties noires des affiches ou ne heurtant pas le public avec des scènes sexe, par exemple.

« Le public a droit à l’art. Le public est ignoré de la plupart des artistes contemporains. Le public a besoin de l’art, et il est de la responsabilité de celui qui se proclame artiste de comprendre que le public a besoin de l’art […] ne pas faire de l’art bourgeois pour les privilégiés en ignorant les masses. L’art est pour tout le monde. »

En enfreignant les règles sur les espaces publics, son attitude est dès le départ politique sur la forme et le fond. L’ouverture de sa boutique de vente de Tee shirt, Pop shop, est anticipatrice d’une mode et traduit sa vision d’un art pour faire plaisir ; conçue totalement par lui, elle ne sera pas comprise mais connaîtra un grand succès populaire.

C’est l’époque où la jeunesse surgit sur le devant de la scène newyorkaise, dans une ville cosmopolite et énergique, où tout le monde se connaît et vit ensemble sur le mode d’un perpétuel changement, la nuit le jour, dans les discothèques, d’où ses liens avec Madonna, Andy Warhol, Basquiat, Kenny Scharf, Jenny Holzer, avec les danseurs de rue, avec des grapheurs, s’autorisant toutes les formes d’audace et de transgression. Le plaisir, le jeu ne sont pas dissociables de sa responsabilité face aux transformations du monde. Si la guerre du Vietnam est loin, le monde en voie de globalisation à l’époque est tout autant sujet de contestation du mercantilisme et l’arrivée des conservateurs attise les luttes contre le racisme et les solidarités entre artistes.

C’est aussi l’époque du sida et de la lutte des associations pour que les malades ne soient pas rejetés. Atteint par le VIH, il sera de tous les combats jusqu’au bout.

Une pensée, un engagement

L’exposition montre très clairement les objets de son engagement, son attitude : répondre à toutes les sollicitations, être en empathie avec le monde entier. Keith Haring incarne la figure du lutteur contre les aliénations du pouvoir notamment américain (cf. les têtes de Mickey et les dollars), du capitalisme, de la religion, contre les menaces des mass media (cf. les écrans peints), la colonisation, l’apartheid, le racisme, pour la protection de la planète. Tout son être est engagement, non pas sur le mode partisan ou de propagande, même s’il en maîtrise tous les codes. Ses dernières années, dessiner est son combat contre la mort, un appel au Safe Sex ; il personnifie la lutte contre le sida et diffuse l’information que l’on ne donnait pas à cette époque. La création d’une fondation pour aider les enfants défavorisés ou malades traduit sa vision positive et constructive.

« Mes dessins tentent de créer la vie, de l’invente. […] L’art célèbre le genre humain au lieu de le manipuler ».

Il est de tous les combats, se déplace dans les grandes manifestations et y laisse ses œuvres faites in situ. Il n’est pas de la génération Internet, celle d’un monde interconnecté immédiatement par le virtuel. C’est en déplaçant son corps et en produisant l’évènement d’une création au sein des groupes du monde entier qu’il mobilise. Son art de peindre est très proche des fondement de la performance artistique. Sa puissance d’expression associe ainsi les évènements du monde, les racismes à New York et en Afrique du Sud, les risques nucléaires et les risques écologiques. C’est en ce sens qu’il est globalisé. Il est la figure de l’artiste Globe Trotter, juste avant qu’émerge Internet.

L’humanisme nouveau dont il est porteur était nourri d’une énergie débordante, communicative, où le plaisir de la vie et le sens de la responsabilité sont intrinsèquement mêlés.

C’est de cette carrière qui a duré seulement 12 ans dont parle le MAM. On en sort totalement convaincu.

Lire l’excellent dossier de presse qui collecte des textes forts de l’artiste sur ses luttes.


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