La lettre enlace l’art et le sens
Nos abécédaires d’enfants ont servi de premières clefs dans l’univers de la culture. Formes, images, graphies, sens : tout était finement construit.
Que n’avons-nous pas rêver devant des enluminures médiévales où les lettrines étaient le support de dessins liés au sens du texte mais bien plus souvent à l’imaginaire !
Les lettres arabes, hébraïques, sanscrits ou encore chinois nous intriguent. Elles séduisent tout un chacun par leur beauté formelle mais, plus encore, elles cachent le mystère d’un ordre mental que recherchent savants et mystiques. Le calligraphe en a la maîtrise, mais nos ordinateurs, avec leurs polices de toutes sorte, nous permettent de jouer au calligraphe et d’écrire les textes les plus divers de multiples façons.
Au début du siècle, les artistes dadaïstes, futuristes, et surtout lettristes se sont emparés des lettres et alphabets pour en étendre l’univers formel, créer une sorte de monde parallèle. Jacques Villégié, qui a fait l’objet d’une grande exposition au centre Beaubourg, a ainsi créé de nouveaux alphabets politiques issus de ses errances urbaines.
La lettre est partout ; elle remplace l’image quand celle-ci est interdite. Ou au contraire, c’est l’image qui donne corps à l’origine de la lettre comme les visiteurs du musée MAHJ ont pu le voir dans cette splendide œuvre de Grisha Bruskin, Alefbet (lire article de V&D). Chez lui, le Livre du monde et le Livre de la vie sont inséparables et son œuvre ne fait qu’explorer ces liens sous les formes les plus diverses. Avec Alefbet, il renvoie au "commencement", au principe du texte c’est-à-dire à des images concrètes. Le livre mystique de la création (Sefer yetsirah/ II-IVè siècle) l’affirmait d’ailleurs : ’
’Dieu a dessiné les vingt-deux lettres, combinées, pesées, interchangées et par elles il a produit toute la création et tout ce qui est destiné à être créé".
Marie Chamant est représentée par la Galerie Alain Oudin
http://www.enseigne-des-oudin.com/
Le visiteur au pied de la lettre.
C’est de la quête de l’origine, celle des cultures et de la transmission religieuse, dont parle Marie Chamant. Elle n’est pas une calligraphe, mais bien plus une archéologue de l’expression.
Alors on y verra des lettres hébraïques, arabes, etc. : des sortes d’atomes premiers d’un univers du sens. Elles dialogueront avec les carrelages, la chaire, les autels et trouveront une place comme des visiteurs silencieux.
L’église est souvent le lieu du verbe, de la parole, ici elle devient l’espace poétique des lettres.
Entretien avec l’artiste.
V&D : Comment en es-tu venue à proposer cette exposition à Saint-Merry ?
Je suis une familière de Saint-Merry et je m’y suis mariée. C’est mon point d’attache. J’habite le quartier depuis très longtemps et j’ai participé à la conception des espaces publics autour de Beaubourg quand je travaillais à l’APUR, l’agence d’urbanisme de la ville.
Je suis aussi une familière des espaces religieux car j’ai exposé des livres d’artiste dans un certain nombre d’entre eux : à la cathédrale d’Evry, à la mosquée Adda’wa, et en 1967 dans le cadre d’un atelier d’art sacré pour le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris.
V&D : Quel sens veux-tu signifier plus particulièrement à ton sous-titre "pour que l’homme ait une âme, il faut qu’il ait un crayon"
L’écriture a démarre avec l’agriculture entre moins 10 000 et 1000 et les deux ont généré une vie sociale plus intense qu’au stade de la chasse et de la cueillette. Mais si les hommes ne savaient pas tous lire et écrire, ils étaient capables de tenir un crayon et de s’approprier par l’écriture ou le dessin de lettres, par des signes gravés ou peints des signifiés religieux.
V&D : Au lieu de concentrer tes caissons dans une seule chapelle, tu proposes de les diffuser dans tout le bâtiment. Pourquoi ?
L’église est un lieu du rassemblement mais aussi, voire surtout, de la circulation. Il n’est que de voir l’usage que l’on en fait après les messes à Saint-Merry ou ce que font les touristes-visiteurs. Ils se promènent d’un point à un autre. Avec mon installation, la déambulation qui est le propre de l’église à croix latine trouve une autre raison de partir à la découverte ou à la méditation.
V&D : Il est rare qu’un artiste soit là chaque jour à la rencontre avec les visiteurs. Pourquoi une telle démarche ? Attends-tu quelque chose de ces rencontres ?
Le contact avec autrui fait partie de ma démarche artistique, d’où mon engagement dans des actions de formation artistique, à l’atelier d’art sacré. Aux côtés des personnes de l’Accueil, j’exercerai un autre rôle, nous verrons bien !
[(Tous les jours du 3 au 17 mars, de 16h30 à 18h30, rencontre et visite avec l’artiste.
Le dimanche, la présence de l’artiste est assurée à la fin du concert, vers 17h15
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Voir et Dire est le réseau des arts visuels de Saint-Merry, qui accueille des artistes contemporains et leurs œuvres. Le site Voir et Dire est une fenêtre sur l’art contemporain, un instrument de découvertes et de réflexion pour tous les curieux, un commentateur critique de certaines expositions.
[(Saviez-vous aussi que Voir et Dire organise des expos d’art contemporain à Saint-Merry ?
– En 2’ revoyez le film des 3 dernières années
– Découvrez les expos de l’année 2013
– Voir-et-dire.net : un site à visiter sans modération…
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