Odilon Redon (1840-1916) et Jean-Louis Forain (1852-1931) étaient donc contemporains ?! Juste un boulevard à traverser : il faut aller du Grand-Palais au Petit-Palais (ou vice-versa) pour…n’en pas revenir ! Et pour mesurer la chance que nous avons, nous Parisiens, en ce printemps 2011 (merci aux commissaires d’exposition, aux conservateurs, collectionneurs, techniciens et tutti quanti).
Forain nous fait entrer dans les salons, les coulisses, les bordels de la société de son époque, celle de Maupassant, de Zola, et aussi un peu celle de Proust. Aquarelles, gouaches, fusains, crayons…Il allie le talent du peintre et la verve du journaliste caricaturiste.
Redon ouvre les portes du rêve et du cauchemar : « Tout se crée par la soumission docile à la venue de l’inconscient », nous fait monter dans des ciels (pas des cieux) où nous sommes regardés par des oeils (pas des yeux), des oeils ailés, tantôt oiseaux, tantôt araignées, anges et démons.
Pastels, encres de Chine, lithographies, eaux-forte… Il séduit les symbolistes : Huysmans, Mallarmé…C’est la période noire, celle qui fait penser aux pinturas negras de Goya, avant l’explosion des couleurs des dernières salles. Et ici et là : l’homme. Ne pas manquer « l’Homme ailé ou l’Ange déchu » (huile sur carton, du musée de Bordeaux) et cette apparition à la fin de la série « Les Origines » (lithographie) : « Et L’homme parut, interrogeant le sol d’où il sort et qui l’attire. Il se fraya la voie vers de sombres clartés. »
[/Jean Verrier/]
Jean-Louis Forain : une courte biographie
Imprégné des théories impressionnistes sur la lumière et la couleur, de leur prédilection pour les scènes de la vie quotidienne et fort d’un trait puissant, Forain traite les thèmes de la modernité : champs de courses, scènes de rues, de cafés, de spectacles, lieux d’élégance et de plaisirs, soirées mondaines. Surnommé Gavroche par Verlaine et Rimbaud, cet impressionniste de mœurs aime mettre en relief les dessous de la société de son temps. Il a su rendre le banal étonnant et dénoncer les tares et les ridicules de ses contemporains. Les coulisses de l’Opéra, où les abonnés s’encanaillent avec les petits rats, constituent par exemple un haut lieu d’observation sociale, un condensé d’humanité qui lui offrent matière à sa représentation caustique de la vie parisienne. Après 1900, en peintre moraliste, son style se métamorphose tant dans sa technique que dans le choix des sujets. Il dénonce les injustices dans ses peintures de prétoires où la lumière se répand dans un clair-obscur proche de Rembrandt. La guerre de 1914-18 lui offre une cause à la mesure de sa fougue. Paris, dans les années vingt, l’artiste septuagénaire ne recule devant aucune audace et retranscrit l’atmosphère endiablée des Années Folles avec une écriture rapide et puissante qui sera une des révélations de l’exposition.
[(En avril comme en mai la cafétéria du Petit-Palais, dans d’exotiques jardins avec colonnes, coupoles et palmiers, est un enchantement. On peut y entrer librement à toute heure du jour, ou presque, sauf le lundi.)]