Patrick Chauvel est un « rapporteur de guerre » qui ne se contente pas de prendre des clichés sur des théâtres de conflit, mais comme ses nombreux confrères stimule l’opinion publique pour faire bouger les politiques.
Les reporters ont été ainsi durant la guerre du Vietnam des acteurs importants, libres d’aller où ils voulaient. Depuis, ils sont très souvent « embedded », c’est-à-dire conviés et encadrés par les armées ou le pouvoir.
Patrick Chauvel a vécu de nombreuses situations, a pris beaucoup de risques. Il n’est pas revenu indemne et il porte avec lui des fantômes, des souvenirs que personne ne peut voir.
Il les révèle en faisant des collages d’images, avec Paul Biota au photomontage, de deux situations réelles en des temps différents : le Paris d’aujourd’hui que nous aimons, celui de la paix et les conflits ailleurs. Ceux-ci sont présentés en des situations différentes : des patrouilles, des explosions, des pillages.
Les photos vont ainsi par deux : la scène d’origine, le collage. Le résultat est présenté sous la forme contemporaine de la réalité augmentée : de grands formats de 2, 5 x 2 m.
L’artiste introduit la guerre, non pas dans la lucarne de la télé ou du journal, ce qui nous est encore extérieur, mais en gros plan dans les espaces qui nous sont familiers. Et si la guerre était ici, à Paris ?
Cette exposition pose ainsi les questions, explicites et implicites, du photojournaliste-artiste : comment voyons nous la violence ailleurs alors que nous sommes en paix ?
Mais la perfection des photomontages interroge à nouveau le caractère objectif de l’image et rappelle la nécessité d’éthique du photographe. Les frontières entre la réalité et ce qu’on en dit ou voit est bien poreuse. Entre l’inventé et le réel, le journaliste est obligé de prendre parti. Au service de quoi et de qui ?
La technique de Patrick Chauvel rappelle celle des artistes pops des années 60-70, qui avaient utilisé les techniques du collage pour déstabiliser les consciences et combattre l’idéologie justifiant les atrocités de la guerre du Vietnam.
Erro incluait dans l’univers quotidien de la classe moyenne américaine des figures de la guerre. Wolf Vostel rassemblait des photos de magazine et les sérigraphiait pour traduire la violence de cette guerre et agir comme contestataire dans le champ même de l’art, comme Goya l’avait fait deux siècles avant, avec ses techniques.