Au fond de la très belle nef de l’édifice du XIIIème siècle, une installation de Jean-Michel Albérola attire l’attention du spectateur par le scintillement d’un néon bleu ciel. Réminiscence du fond bleu utilisé par Giotto dans les fresques d’Assise, cette œuvre fait référence à la vie de saint François et à son engagement social.
Artiste du langage, Jean-Michel Albérola forme une phrase lumineuse évoquant la question de la pauvreté, en lien avec le contexte de crise économique que connaît le monde occidental aujourd’hui. Cette mise en lumière d’un sujet d’actualité entre ici en résonance avec l’histoire et, par le médium, irradie dans l’espace comme une forme entêtante destinée à rester inscrite dans notre mémoire. Car, pour l’artiste, il ne s’agit en aucun cas de donner une leçon ou de faire la morale, mais d’insuffler au spectateur le souffle d’une réflexion qu’il pourra porter et faire grandir en lui.
A la lumière comme métaphore de l’idée proposée par Albérola répond l’illumination plus volontiers mystique d’Anthony McCall. A l’autre extrémité du hall, son installation, « Between You and I », se présente comme un parcours, presque initiatique, qui nous mène vers une apparition théâtrale et éphémère. L’artiste nous invite à pénétrer dans un espace obscur et enfumé qui force notre vision exacerbant la sensation de vide. Au détour d’un couloir, il fait apparaître une lumière blanche et spectrale qui, diffusée par des spots pendus au plafond, prend la forme de deux pyramides translucides. McCall dit vouloir présenter une « lumière solide », transformant ainsi l’essence même de la lumière, immatérielle et symbolique, en volume architectural. Pourtant, les figures qu’il crée ne sont pas immobiles et opèrent, pendant une durée de seize minutes, un étrange ballet qui modifie l’appréhension de ces deux monuments éphémères.
Aussi, au sol, se dessine-t-il des lignes, des courbes, des droites pures qui se disloquent et s’entremêlent. En référence au cinéma et aux possibilités de l’image en mouvement, l’œuvre de McCall se présente comme une épure formelle évoquant à la fois les travaux des photographes constructivistes des années 1920 et les premières expériences de l’abstraction dont la recherche de la forme ultime, absolue était portée par une forte spiritualité. Cette vision métaphysique prend corps dans l’obscurité de l’espace gothique du Collège et invite le spectateur à jouer avec elle. McCall se réclame d’un processus d’échange entre installation, l’architecture et le spectateur. On est comme extrait de la réalité concrète, transporté dans un lent voyage visuel.
A travers ces deux installations, le Collège des Bernardins montre que les artistes ne sont pas de simples faiseurs d’image et leurs œuvres des moteurs de pensées et d’expériences. Si la lumière est la condition première de la vie des formes, très justement transformée en médium créatif, elle est ici l’élément fédérateur d’une immersion artistique totale.
Charlotte Szmaragd