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FRANÇOIS KENESI. SERIO LUDERE

jeudi 23 janvier 2025

Si vous ne connaissez pas ce photographe, formé à l’architecture et à l’urbanisme, courez voir cette exposition sur les flancs de Montmartre

Elle est l’œuvre de trois regards et sensibilités vibrant en harmonie : celui de l’artiste, bien sûr, mais aussi ceux des deux galeristes Caroline Wiart et Patrice Galiana. Ce sont ces derniers qui se sont penchés dans les réserves de l’atelier de l’artiste et qui ont choisi les œuvres, photos, dessins, vidéo qu’ils voulaient montrer.

Dans cette galerie blanche aux formes improbables, donc non rectangulaires, les séries se répondent étonnamment.

L’exposition des planches-contacts est un grand classique, surtout quand elles sont annotées, retenues par l’auteur pour des tirages. Changement d’esprit : ici tout est architecturé, en noir et blanc, un carroyage strict et fascinant de photos d’intérieur de cheminées de réfrigération nucléaires ; rien ne dépasse, comme si l’artiste avait pris ses clichés successivement en ayant en tête le rendu final de ces gigantesques architectures devenues petites lucarnes vers un ciel uni comme dans les photos des époux Becher. Ces immenses artistes allemands avaient transformé les usines, chevalets, châteaux d’eau en monuments, sacralisés de l’extérieur, des blocs refermés sur leur identité matérielle. François Kenesi, lui est entré dans un de ces monuments et s’est attaché à une question : leur ouverture et non leur fermeture.
Le photographe contrôle tout mais invite le hasard des effets de lumière à s’exprimer. De ce formalisme et de cette rigueur du regard qui s’étend à la présentation en série, il opère diverses déclinaisons, en inversant les noirs et les blancs, en faisant des superpositions de planches contacts, en les peignant, etc.

Ce n’est plus l’imagination qui anime le photographe, mais le formalisme du dessinateur, du designer. Il ne présente plus seulement des pleins mais il en dessine les lignes.

Une autre série, mais faite de couleur mêle rigueur de rendu et flous du sujet, mélange de couleur de chaque élément et carroyage. Serait-ce l’influence de Briare dont son atelier est si proche ? Il s’agit de gouttes d’eau sur des écrans de portable, sur des images aléatoires. La vidéo qu’il a faite de ces éléments est superbe. Tout glisse !

C’est aussi l’instinct du formaliste qui l’amène à concevoir une série de papiers exposés dans son atelier. Il y a du Joseph Albers, mais à la manière d’un photographe aux aguets, qui efface les couleurs au profit de nuancés de gris. L’œuvre est sombre et digne.

Que de découvertes ! Que de goût pour un ailleurs d’une photographie qui se plie à la rigueur d’un photographe !

Jean Deuzèmes

Galerie La Moulinette. 85 bis rue Lepic, 75018 Paris
Du 9 au 26 janvier 2025