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Sean Scully. Opulent Ascension



Une œuvre monumentale et somptueuse qui marque la Biennale de Venise 2019. Un puissant dialogue entre Palladio et ce maître de l’abstraction.

Située sous le dôme de la basilique abbatiale de Saint Georges Majeur, une colonne, faite de strates colorées de feutres, contraste totalement avec l’univers blanc conçu à la Renaissance, un des chefs d’œuvre de Palladio (1566).
L’œuvre de Sean Scully, artiste né à Dublin en 1945, est la traduction visuelle du titre Opulent Ascension (Somptueuse Ascension) et le phare d’une exposition saisissante dont le titre Human (Humanité) donne la tonalité d’ensemble. L’abstraction s’y affirme humaniste.
L’artiste naturalisé américain a pris ses distances avec l’austère abstraction minimaliste de ses collègues des années 70 en exprimant la matérialité de son art (peinture et autres médiums), dans une grammaire et un vocabulaire réduits qui sont sa signature : des épaisses lignes colorées principalement horizontales intégrant parfois des éléments verticaux.
De l’empilement des traits en peinture, il est ensuite passé à la troisième dimension : des plans qui deviennent des sculptures de poutres ou de bronze.
Alors qu’il demeurait dans des hauteurs standard (2 à 3 m), à Venise, il change d’échelle (10m) et de matériau tout en revenant à la couleur de ses peintures.

L’œuvre de la Biennale est la plus grande qu’il ait jamais conçue mais aussi la plus aisée d’accès au spirituel, une exposition latérale présentant les étapes de sa pensée.

S’approcher d’ Opulent Ascension, c’est faire une expérience artistique d’entrée en silence, en dépit du bruit de fond. L’œuvre, visible de l’extérieur, s’impose dans sa monumentalité une fois les portes franchies. En effet, dans un édifice où un vide est généré par l’architecture immense, blanche, à la décoration réduite à quelques œuvres essentielles, la colonne de 10m matérialise le centre du bâtiment comme on ne l’a jamais vu.

Depuis l’entrée, la succession des strates colorées donne un caractère d’étrange monolithe pop, mais si l’on regarde la colonne depuis l’autel principal, la présence d’une ouverture la transforme en tour, de guet ou éventuellement habitable, sans toit, dans laquelle le visiteur se glisse. Le matériau utilisé, le feutre, absorbe les sons et invite naturellement au silence, un peu comme lorsqu’on se trouve devant les toiles colorées de Mark Rothko.

Les pièces de feutre ne sont pas alignées ou jointoyées. Evoquant les plissements légers d’une peau humaine, loin du froid de la perfection lisse, elles donnent une sensualité à l’œuvre. On a le désir de les toucher. Elles contribuent aussi au sentiment de verticalité qui débouche, l’été, vers le ciel bleu et éclatant de Venise par la verrière translucide du dôme. Ascension est donc le bon terme, celui du regard puis de l’émotion intérieure.

Sean Scully Opulent Ascension 2019 from Voir & Dire on Vimeo.

Cette vision contemporaine de l’échelle de Jacob (Livre de la Genèse 28. 10-16 ), de ce rêve de la communication entre la terre et le ciel, de cette expérience du Patriarche, est une juste et forte interprétation du texte biblique par un artiste du XXIe.

Les séparations entre les différentes couches de feutre transforment la notion de barreaux d’une échelle visuelle, tandis que les nombreux traits colorés irradient et expriment l’infini de la distance au Ciel : l’unique échappatoire au regard intérieur a les traits d’une lentille d’un télescope carré traversant l’oculus (œil) de la voûte. « Je veux rendre disponible le voyage entre le spirituel et le physique, entre le physique et le spirituel » écrit l’artiste.

Au travers de cette œuvre et de l’ensemble de son exposition, l’artiste diffuse une tension palpable entre l’accessible beauté, l’effort et le désir de transcendance.

Des œuvres exposées parmi d’autres.

L’exposition Human, comprend d’autres œuvres parmi lesquelles V&D en a retenu trois particulières.

Landline, ligne de terre.
Avec huit tableaux sur aluminium disposés dans une longue salle, cette série crée un paysage lyrique favorisant la contemplation. Les larges bandes aux contours épais font écho à la colonne en croisant horizontalité et verticalité.

Arles-Abend-Vincent 2.
Les quatre vitres colorées conçues par Sean Scully entrent en résonance avec le contexte d’accueil : une abbaye bénédictine dont les moines sont très ouverts à l’art contemporain. Ces couleurs vibrantes sont un hommage à Van Gogh, qui, par ses constructions et couleurs, est une référence de l’artiste. En poussant l’inspiration à l’extrême, celui-ci a donné à sa composition abstraite et colorée, se reflétant sur le sol, la force d’un objet.

Madonna Triptich.
Trois tableaux étonnants signent un retour récent à la figuration, abandonnée il y a 50 ans. Le sujet est une interprétation personnelle d’une figure traditionnelle de la peinture religieuse : la Vierge à l’enfant. Une photo de sa femme et de son fils à la plage a été déclinée sur la forme d’un triptyque, dans ses couleurs traditionnelles de l’abstraction. Le sujet est profane, l’interprétation par l’artiste est religieuse.

Jean Deuzèmes

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