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Paysages français. BnF



Une aventure photographique, 1984-2017. Une exposition-fleuve, retour à une initiative mythique. L’accès à des ressources exceptionnelles. À voir et à revoir, à découvrir et à consulter.

Tom Drahos, Chevreuse, (Yvelines), 1986

Avec cette exposition, la Bibliothèque nationale de France, qui est dépositaire des fonds publics de photographies, assure pleinement les fonctions d’un musée : conserver, classer, exposer, mettre à disposition d’un large public, grâce notamment à Internet. Alors que la ville a été l’objet permanent des photographes, le paysage a diversement retenu leur intérêt. Un temps fort, auquel la BnF rend hommage, fut la Mission photographique de la DATAR. En 1984, cette institution interministérielle en charge de l’aménagement de la France des Trente Glorieuses, demanda à 39 photographes de fixer la vision qu’ils avaient des paysages français. Le faible succès que cette initiative remporta contraste avec son succès mythique dans le monde de la photographie.

La BnF ne se contente pas d’exposer ces images du passé ; elle présente bien d’autres photographies et propose ainsi une réflexion sur les filiations successives, en termes d’observatoires régionaux et d’initiatives indépendantes comme « France(s) territoire liquide », qui rassemble des photographes très contemporains, l’exposition incluant des clichés de Michel Houellebecq !

Collectif, le bar Floréal : Alex Jordan, Le crassier de Longwy en 1978

Rassemblant pour la première fois 160 auteurs et quelque 1 000 tirages, cette rétrospective, 40 ans de vision photographique du paysage français, a pour ambition de donner à voir conjointement les évolutions de la photographie et celles du territoire des années 1980 à nos jours.
La Mission photographique de la DATAR fut une entreprise innovante de deux hommes, Bernard Latarget , haut-fonctionnaire [1] et de François Hers, photographe. [2]

Marc Deneyer, Saint-Jouin-de Marnes (Deux-Sèvres), 1986

Prenant la suite d’une expérience américaine de 1975 « New Topographics. Photographs of a Man-altered Landscape » (Visionner courte vidéo - Exposition à Rochester ), et se distinguant du pictorialisme, du photo-journalisme ou de la photo humaniste des années 50 – 60, la Mission, tient à la fois de la commande et de la distribution de bourse. À partir des années 70, elle donne carte blanche à des personnes qui passent d’auteur à artiste et réinventent la notion de document. L’ensemble constitue un portrait radicalement neuf de la France au lendemain des Trente Glorieuses, celle de l’urbanisation croissante, de l’extension des zones commerciales ou de la déprise industrielle, en faisant cependant l’impasse sur les « quartiers ».

Robert Doisneau. Environs de la gare Université, Créteil,1984

Ce nouveau regard s’éloigne du sublime, à la mode des Romantiques, des portraits et gros plans du photo-journalisme, « de l’anecdote de la photographie humaniste. Choix d’une photographie lente, posée, souvent à la chambre. Pas de figures humaines le plus souvent. Style neutre documentaire. » Ainsi l’analysaient remarquablement Marc Gourmelon et Jean-Claude Liehn lors de leur conférence du 26 mai 2015, « Le documentaire dans la photographie contemporaine » à Lumière d’Encre (Céret) (texte pdf largement imagé à télécharger dans le portfolio ou accès Internet )

Anne Favret et Patrick Manez, Boulevard Rouget-de-Lisle / rue du Midi, Montreuil, 1997

L’exposition aborde ensuite les années 1990 lorsque le paysage, devenu patrimoine, est un élément central des politiques d’aménagement du territoire (cf. les travaux de l’Observatoire photographique national du paysage). Dans les années 2000, le paysage devient un « style », les photographes transforment la perception antérieure et incluent des aspects humains, sociaux ou économiques. Enfin, depuis le début des années 2010, le paysage est photographié comme un espace non plus simplement à décrire mais à habiter ou encore comme support d’imaginaires personnels. De la documentation on passe notamment à la fiction et à l’introduction de l’individu. Le paysage est inclus dans des sujets où s’expriment les photographes dans leur singularité.

Dans les tendances récentes, les jeunes artistes désertent les questions du sublime, de la foule, de la diversité culturelle ; ils sont très attentifs à la com. ; ils ne reprennent pas la problématique documentaire de leurs aînés et leurs travaux s’affirment comme très originaux et personnels.

Julien Benard, La photocopieuse, Paris, 2008-2016

Dans sa dernière partie, l’exposition de la BnF accorde ainsi une large place à un groupe de photographes, « France(s) territoire liquide », « résidant dans l’un de ces territoires nationaux appelé la France [qui ]décide d’entreprendre un nouveau projet photographique dont l’ambition est de chercher à savoir comment la photographie pourrait définir les caractéristiques principales de l’identité et du territoire français au début du XXIe. » Contrairement à la Mission publique de la Datar, leur « Mission photographique sur le paysage français », termes qui ne laissent aucun doute sur leur filiation, est autoproduite et indépendante.

Frédéric Delangle, Paris-Dehli, 2010

Si les clichés traitent de la France, les modes d’approches traduisent visuellement une ouverture au monde et aux questions contemporaines les plus prégnantes. « Ils traitent un large éventail de sujets comme la mondialisation, l’anthropocène, la mémoire, les changements technologiques, la subjectivité, l’idée de nation et la migration. Cependant, si un thème traverse tous les projets, c’est l’idée que toutes les frontières sont temporelles et liquides et changent en fonction de la politique et de la technologie. » (Lire site FTL) Ils ne peuvent pas être dissociés d’autres évolutions de la culture : la littérature avec les autofictions, le cinéma, la globalisation des échanges, etc. Les approches de la photographie des paysages changent de perspectives comme celles de la géographie et de l’histoire, ainsi l’atteste le titre « Histoire mondiale de la France », le dernier livre collectif de référence élaboré sous la direction de Patrick Boucheron. La BnF témoigne d’un basculement profond.
Par leur ambition immense, ces initiatives suscitent bien sûr la critique [3]

Au lieu de proposer au lecteur une vision complète d’une exposition qui se singularise par la diversité et le nombre des artistes (160, rappelons-le), Voir et Dire vous invite à voir trois vidéos correspondant à des approches différentes du paysage par trois photographes d’époques différentes.

Raymond Depardon et son retour sur les fermes familiales (1985)

Émilie Vialet, et son parcours des bords de mer : la Lette (2015)

Frédéric Delangle, Paris-Dehli (2016) fait colorier ses paysages parisiens par des artistes indiens. Dans cette vidéo, il raconte aussi comment les artistes de "France(s) Territoire Liquide", ont construit leur mission, sans commande publique.

Voir aussi les deux remarquables dossiers de la BnF :

Jean Deuzèmes.

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[1Bernard Latarget était le responsable du financement des mutations du monde rural, il voulait associer les questions de culture à la pratique technocratique de la planification du territoire

[2Co-fondateur en 1972 de la coopérative d’auteurs-photographes Viva, celui-ci débuta une pratique de reportage et aborda de multiples questions de société au quotidien ; devenu directeur artistique à la DATAR en 1983 et l’un des photographes au sein de la Mission, il réalisa des prises de vue de Paris et de sa banlieue.

[3Avec ses tics, ses lubies, sa nostalgie plus ou moins assumée, le vieux Depardon nous montre quelque chose. La France, sa France. Un étranger qui préparerait un voyage en France sans la connaître saurait à quoi s’attendre après avoir parcouru son ouvrage. On ne peut pas en dire autant du travail France(s) Territoire Liquide qui pourtant revendique la filiation documentaire de la DATAR. Si quelques-uns des contributeurs s’inscrivent dans la tradition photographique, en montrant une France soit immuable (celle des paysages naturels montagnards), soit meurtrie (par l’omniprésent trafic des poids- lourds), la plupart des artistes nous parlent surtout des moyens qu’ils ont mis en œuvre, de leur protocole, de leur procédé. Que cette diversité des approches fasse écho à cette diversité de la France moderne si morcelée qu’elle mérite un s, on voudrait bien s’en convaincre, mais force est de constater que la jonction a du mal à se faire. Ce constat s’impose quand on remarque l’absence de toute trace de la diversité culturelle qui est pourtant une des données de base de la France contemporaine. (Marc Gourmelon et Jean-Claude Liehn - 2015.)

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