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Nymphéas. L’abstraction américaine et le dernier Monet.



Incomprises en France il y a un siècle, les Nymphéas ont pourtant nourri les avant-gardes américaines avant de devenir « la Sixtine de l’impressionnisme". Une merveille d’exposition à l’Orangerie.

Claude Monet. Le pont japonais

L’histoire de la réception des Nymphéas, ce don de Claude Monet à la France après le premier conflit mondial, est une illustration des malentendus récurrents entre les avant-gardes et leur société ou leur pays d’origine. « Nul n’est prophète en son pays ». Cette exposition en l’honneur du centenaire de « la Sixtine de l’impressionnisme", selon le surréaliste André Masson (1952) ne traite pas de l’impressionnisme pourtant vivement contesté à cette époque par les nouvelles avant-gardes, le fauvisme et le cubisme, mais de certains tableaux incompris de leurs contemporains pour leur radicalité.
En revanche des artistes américains ont vu la dernière œuvre de Monet à Paris ou à New York, lorsque Alfred Barr fait entrer au Museum of Modern Art de New York (1953) un grand panneau des Nymphéas et que les grandes "décorations" demeurées dans l’atelier de Giverny commencent à attirer l’intérêt des collectionneurs et directeurs de musées.
Relu par un grand critique Clément Greenberg qui le met en relation avec ce qui est en train d’apparaître à New York, le chef d’œuvre de Monet est alors présenté comme "une passerelle entre le naturalisme du début de l’impressionnisme et l’école contemporaine d’abstraction la plus poussée" et
notamment Pollock avec Autumn Rhythm (number 30), 1950 .
Splendide aller et retour entre les deux rives de l’Atlantique, entre deux rives de l’art, en un nombre réduit de tableaux.

"Il faut reconnaître à la peinture abstraite moderne d’avoir redécouvert ce vieux maître qui demeure résolument d’avant-garde." Thomas B. Hess, 1956
Le musée de l’Orangerie s’est emparé des affirmations des critiques américaines de l’époque. Une vingtaine de toiles présentées [1] aux côtés de quelques tableaux de Monet. Ce petit nombre n’enlève rien à l’efficaicité du propos. Les liens avec Monet sont immédiatement perceptibles. Qu’on en juge par ces exemples :

Barnett Newman, The Beginning, 1946

• Ce qu’on a appelé, le Colorfield où la couleur comme teinte définit des « espaces-formes » comme chez Barnett Newman (The Beginning, 1946)

Clyfford Still, 1965 (PH-578)
Helen Frankenthaler, Riverhead, 1963

• l’impressionnisme abstrait chez Clyfford Still, ou chez Helen Frankenthaler (Riverhead 1963)

Jackson Pollock. The Deep, 1953

• le all-over chez Jackson Pollock, cette composition uniforme qui déborde du cadre, et sa technique du dripping qui fusionne des motifs non figuratifs.

Willem de Kooning. Villa Borghese, 1960

• les peintures abstraites des grands paysages de Willem de Kooning, comme sa Villa Borghese de 1960

Philip Guston. Painting, 1954

• le dispositif de Mark Rothko (1964) avec ses 14 peintures (color field painting) pour une chapelle rappelant l’accrochage de l’Orangerie

Morris Louis. Vernal, 1960

• l’intensité des grands formats à l’acrylique de Morris Louis (Vernal 1960)

Philip Guston. Painting, 1954

• le lyrisme de Philipp Guston si proche de celui de Monet (Painting 1954)

Sam Francis. Round the World, 1958-1959

• ce qu’on a appelé le tachisme chez Sam Francis

Sont aussi considérés comme héritiers de Monet, Jean Paul Riopelle et Mark Tobey appelé « le vieux maître de la jeune peinture américaine » avec sa peinture calligraphique, tandis qu’Ellsworth Kelly rend un hommage explicite, même dans le minimalisme, à Monet

Jean-Paul Riopelle. Sans titre, 1954
Mark Tobey. White Journey, 1956
Ellsworth Kelly . Tableau vert, 1952

Dans la mesure où les Nymphéas sont désormais familiers du public, cette exposition est surtout une belle occasion de (re) découvrir, grâce à un accrochage intelligent et didactique, la peinture américaine des années 50-70, avant le Pop qui a tout bouleversé.
Jean Deuzèmes

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Monet a inspiré, et inspire toujours, de nombreux autres artistes. Dans la récente exposition sur Zao Wou-Ki au Musée d’art moderne de la ville de Paris, on découvre un ensemble d’hommages aux personnes qui ont compté pour l’artiste, dont Claude Monet. Saisi par les Nymphéas et l’expérience de l’immersion qu’il y a faite, le peintre chinois n’aura de cesse de retrouver par ses grands formats abstraits la même émotion.

Zao Wou-Ki. Hommage à Claude Monet, triptyque, février-juin 1991

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Exposition du 13 avril au 20 août 2018


[1Jackson Pollock, Mark Rothko, Barnett Newman, Clyfford Still, Helen Frankenthaler, Morris Louis, Philip Guston, Joan Mitchell, Mark Tobey, Sam Francis, Jean-Paul Riopelle et Ellsworth Kelly.