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Jeanne Rimbert. Construction/Destruction



Deux étranges pyramides de céramique blanche à Saint-Merry pour dire l’état du monde. Une réflexion splendide à l’aide de la matière. (<14 mai)

Jeanne Rimbert. Sculpture de gauche

Les deux sculptures en céramique blanche de Jeanne Rimbert attirent le regard, elles surprennent par leur matière, l’organisation des éléments et leur installation dans une chapelle du XVIIIe, sous d’immenses toiles imprégnées de la religiosité grandiloquente du XIXe. Elles suggèrent tout et son contraire, comme l’exprime le titre. Dans cette confrontation entre deux esthétiques, deux architectures, un immense espace baroque englobant et la forme élémentaire, issue du fonds des temps, de deux petits monuments, les pyramides, il y a au moins un accord : la recherche d’une symétrie de part et d’autre de l’autel.

Sans provocation, l’artiste se glisse dans l’espace. Elle n’est pas dans la démarche romantique de la ruine et ses blocs élémentaires de céramique n’ont pas été volontairement brisés comme au temps des nouveaux réalistes des années 70. Elle a simplement laissé en suspens son acte de création avant la cuisson : la matière a poursuivi selon ses lois et s’est exprimée à sa façon. La créatrice s’est retirée ; elle rejoue le Tsimtsoum de Dieu (son retrait) devant une création non terminée, imparfaite, fragile et laisse le visiteur face
• au monde tel qu’il est,
• à l’habitat et autres enveloppes censées le protéger,
• et à lui-même.

Cette œuvre modeste et splendide d’une artiste, née en 1985, vivant et travaillant à Paris et en Italie, est une méditation sur le monde, une Vanité du XXIe siècle.
Jean Deuzèmes

Vernissage samedi 21 avril après-midi et plus de photos après le 20 avril.

Construction/Destruction : le projet de l’artiste

Entre architectures mathématiques et industries mécanisées, les productions humaines rivalisent de symétrie et de régularité. Mais que deviendraient nos architectures et nos rêves de gloire, cathédrales baroques ou gothiques une fois livrés à eux-mêmes ? À un moment clef du processus de création, mon geste s’arrête et laisse la matière achever la forme. La nature reprend alors ses droits et, sous la pression de la terre qui se rétracte, crée failles et ruptures, nous menant de la presque symétrie à la totale dissymétrie, de la construction à la déconstruction, voire même à la destruction.

Cet ensemble de « formes habitables » accidentées suggère alors des pistes de perdition : elles sont l’absence, l’épuisement, la vulnérabilité. Ces restes sont-ils les ruines d’une antique cité engloutie ou le simple paysage contemporain d’un monde en guerre ? L’installation, en faïence et carton, est par sa condition éphémère une métaphore de la précarité, en réponse à une société en perpétuel renouvellement où tout se construit et se déconstruit de plus en plus vite. Que pourra-t-il éclore de ce dynamitage des schémas culturels, des frontières, des paysages ?
En interrogeant le temps de la décomposition, massivité et fragilité sont ici conjuguées comme métaphore possible de la sculpture elle-même mais aussi de notre époque.

Jeanne Rimbert

http://jeannerimbert.wixsite.com/sculpture

Questions à l’artiste

Jeanne Rimbert. Sculpture de droite

V&D  : Pourquoi la sculpture dans votre démarche artistique ?
JR : La sculpture est une manière de fossiliser un instant imaginaire au sein d’une réalité physique. Les espaces intérieurs et les paysages extérieurs que je traverse sont, au hasard des découvertes, les déclencheurs de mon travail d’installation.
Je transforme ainsi l’espace, en créant pour lui un imaginaire, mon imaginaire, que j’y installe.
Utilisant la faïence ou le grès, je cherche par mon travail à questionner la place de la céramique dans l’art contemporain. Médium récemment revisité, la terre devient tour à tour peinture, sculpture, installation, architecture ou encore performance.
Je déstructure et restructure des visions composites, des fragments, modelant ainsi de nouveaux paysages. De nouveaux univers, qui oscillent entre le souvenir de ce qui a été et l’espoir de ce qui sera.

V&D  : Pourquoi la céramique ? Qu’est-ce qui préside au choix de ces formes et à leur ordonnancement ?
JR  : J’aime la céramique pour la dualité inhérente à sa matière : elle est à la fois pérenne, pouvant traverser les siècles, et extrêmement fragile, pouvant se briser à tout moment. C’est cette dualité que je mets en valeur dans mon travail.
Les formes que j’ai choisies pour construction / destruction sont géométriques et assez abstraites [1] : elle suggèrent, plus qu’elles ne montrent, une ville qui pourrait aussi bien être la ruine d’une vaste cité antique engloutie que le paysage d’un monde en guerre. Les volumes sont placés de manière ordonnée, selon une logique qui m’est propre, afin de former un tas, comme une sorte de terrier humain.

V&D : Pourquoi en êtes-vous venue à vous intéresser à l’architecture ?
JR : Je m’intéressée à l’architecture de manière tout d’abord indirecte. Je vois mes architectures, qu’elles soient humaines ou naturelles, comme des habitations, des refuges. C’est le concept de protection face aux éléments extérieurs qui m’intéresse dans l’architecture. Ensuite, ces habitations peuvent être perçues comme des terriers (Kafka), un nid ou, comme c’est le cas ici, une abstraction de ville.

V&D  : Pourquoi vouloir exposer dans une église ?
JR  : Travaillant essentiellement l’installation, j’aime confronter mon travail à différents types d’espaces et mettre en exergue similitudes et dissonances. Construction / destruction est une sorte de vanité, qui pose la question de l’héritage que les civilisations laissent sur leur passage. Nos bâtiments d’aujourd’hui seront-ils les ruines de demain ? Les églises sont des lieux de spiritualité qui nous incitent à nous interroger sur notre finitude.

V&D : Il y a du tragique concernant l’existence et le devenir urbain. Est-ce volontaire ?
JR : L’installation peut en effet être perçue comme une critique de l’urbanisation excessive et, plus généralement, de la propension de l’être humain à détruire son environnement naturel pour s’enfermer dans un habitat recréé de toute part.

V&D : Cette œuvre est-elle un reflet de vous ?
JR  : Je ne me sens ni fracturée ni vulnérable si telle est la question, je ne m’identifie pas de manière si directe à mon travail. Mais il est vrai que je m’interroge systématiquement sur les vanités et sur ce que le défaut révèle de beau dans l’être humain.

V&D : Dans votre œuvre tout compte et a un sens. Il n’y a pas que de la céramique !
JR  : Oui. Le choix des matériaux est important car il fait écho au concept :
 céramique biscuit et émaillée / faÏence et grès (le traditionnel, l’antique)
 cartons et poussière de terre (l’industriel, le produit en série, le non pérenne, le destructible, le consommable)
 bois (socles)
 peinture (l’industriel)
 moquette (l’industriel)

CV

Études
• Master en arts graphiques, option communication dans l’espace et édition, 2009-2011
• Beaux arts de Rueil-Malmaison, option installation dans l’espace (peinture sculpture) DNAP avec les félicitations du jury, 2006-2009

Festivals & salons
• Festival international
de céramique contemporaine
Exposition - concours terralha
Catégorie Jeunes talents, Saint-Quentin la Poterie, 2013
• Salon révélations
Exposition collective, Paris, Grand Palais, 2015
• Grand Prix Bernard Magrez
Exposition - concours - Bordeaux, 2017

Expositions
• Galerie Premier regard
Exposition personnelle Morceaux choisis, 2009 Les 10 &15 ans de la galerie Premier Regard, Bastille Design Center, Paris, 2012 & 2017
• Château de Rueil-Malmaison
Exposition collective performance Mobilis 1&2, Nuit des Musées, 2009 & Journées du Patrimoine, 2011
• Palazzo Rospigliosi
Exposition collective L’art contemporain dans un palais de la renaissance, Zagarolo, Roma, 2014
• Grande halle de la Villette
Exposition collective pour la Nuit Blanche, WareHouse Alternative Project, 2017
• Centre d’art Aponia
Exposition collective : Esthétique de la rage novembre 2017


Exposition visible du 21 avril au 15 mai 2018. 76 rue de la verrerie, 75004 Paris du lundi au vendredi de 14 à 16h et le samedi de 14 à 19h 15


[1Remarques de V&D : De taille analogue, les deux sculptures de part et d’autre de l’autel sont différentes : celle de gauche, avec ses cubes rigoureux tient du constructivisme ; celle de droite avec ses pyramides, cônes, boules et cubes, est plus souple, a plus de mouvement. Dans l’une comme dans l’autre, tous les éléments ont des failles, des trous, des cassures. Ordonnancement et destruction s’entremêlent. L’œuvre n’est pas chaotique pour autant et sa beauté ne réside pas dans la perfection que l’on attendrait.

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