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Déjà vu : Traces du sacré en 2008 - L’œil a écrit sur Traces



L’objectif de cette grande exposition transdisciplinaire que nous proposent les deux commissaires Jean de Loisy et Angel Lampe est ambitieux : explorer les significations et la permanence d’un certain type de questionnement dans l’art tout au long du XX ème siècle qui s’appelle spirituel à son début, puis recherche de l’homme nouveau, et après 1945 accomplissement de soi, « tremblement de l’être », crise et perte des utopies, engagement et dévoilement du monde tel qu’il tourne désormais. Faute de mots bien adaptés, les organisateurs utilisent les mots « sacré » ou « sacralité » pour désigner une partie de ce qui meut les artistes dans leur production et leur temps.

Elle se présente comme un parcours chronologique dont la vingtaine de thèmes (Traces des dieux enfuis, Les grands initiés, Éden, Spiritualités païennes, Éros et thanatos, Malgré la nuit, Sagesses orientales, L’ombre de Dieu, etc.) permet de présenter 350 œuvres et de montrer la diversité du foisonnement artistique.

Cette exposition à thèse privilégiant les arts plastiques relève de l’histoire de l’art et souhaite démontrer qu’une partie de l’art moderne et contemporain s’est bâtie à partir d’un questionnement métaphysique, sans sujétion aux églises, dans un « monde désenchanté », à la sécularisation accélérée. Aux époques où les artistes partageaient les mêmes visions, débats et valeurs, ont succédé des ruptures fortes dont celles des années 45 puis 70, liées elles-mêmes aux changements profonds de la société. L’art présente une très grande diversité que la mondialisation et la spéculation financière n’ont fait qu’accélérer. L’art est partout et se prête peu aux grandes synthèses, à la lisibilité de ses messages, s’ils existent.

Or d’un côté, comme le note Marcel Gauchet, on assiste aujourd’hui à « un retour de légitimité du discours religieux et de la préoccupation spirituelle dans l’espace public ». D’un autre côté, il faut bien admettre que, dans un monde où les religions sont facteurs de divisions, ce sont désormais les musées et les grands évènements culturels (et sportifs…) qui fédèrent et tissent des liens (même temporaires et faibles).

Cette exposition est bien dans l’air du temps.

Il nous faudra voir sur pièce, au-delà des textes de présentation, la valeur de ces thèses et arguments. Il y aura nécessairement des débats dans la presse et peut-être au CPHB. En effet, cette exposition savante semble ne pas aborder la question du sacré, en tant qu’acte de séparation dans le réel ou le séculier, mais bien plus du côté de l’attestation de valeurs, d’attitudes ou de regards. Il se différencie du spirituel qui résiderait plus dans l’intention, dans le diffus, dans l’appartenance aux consciences. Par ailleurs, le titre « le spirituel dans l’art » avait déjà été utilisé pour une exposition américaine dans les années 80. Or comme ces grandes expositions se situent dans un contexte mondialisé où les grands musées sont dans des positions de démarquage, voire de concurrence, Beaubourg souhaitait organiser une exposition singulière et forte pour fêter ses trente ans. Finalement, il se pourrait bien que le titre ne soit pas si mal choisi, si l’on l’entend le sacré comme ouvrant à l’interprétation du sens, à une invitation au dévoilement de ce qui traverse l’artiste, car c’est lui qui est au centre de cette exposition et non l’art avec ses écoles ou ses sphères d’influence.

Cette exposition ouvertement centrée sur la pensée occidentale n’est pas, bien sûre, religieuse, ni expression des évolutions de l’art sacré et n’aborde pas les questions de la foi qui nous sont plus familières, Cependant elle n’est pas très éloignée des préoccupations qui étaient à la base du dernier festival art et foi :
« L’artiste et le croyant sont du même côté du monde, plus que jamais, chacun à sa manière ! Ils ont en commun la nécessité impérieuse du rapport aux autres et au monde, avec plus de coups à prendre que de comptes à rendre. Ont-ils besoin les uns des autres ? Non. Mais le dialogue est leur passion, ils peuvent se rencontrer. Que peut-il ressortir d’un tel dialogue ? On verra bien. On peut supposer que la similitude des leurs démarches vers le monde et les autres vient de ce qu’ils s’affrontent au même mystère : cela restera un mystère ! »

Au CPHB, une telle exposition sera peut-être un terreau d’application de ce que les uns et les autres ont exprimé à la suite du festival : la pastorale de l’art (cf. les propos de Jean Verrier dans l’un des derniers Papier). Plus que jamais, elle devrait être une occasion de renouveler les approches pédagogiques de l’art au sein de la communauté, de mettre en place des visites et débats avec tous ceux qui le désirent.

En avant-propos, écoutez sur le site du Centre Pompidou (Forums de société) le dialogue du jeudi 24 avril entre Marcel Gauchet et Jean de Loisy : « l’art et l’inquiétude du sacré » qui est un excellent prologue.

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