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Christian Delecluse. Speakers’ Corner



Alors que le paysage de l’édition est menacé, Le Socle érige un monument à la liberté d’expression. Des livres brillent au soleil, ils s’élèvent au-dessus d’un nid, le piédestal de pierre.

Structure métallique, livres enduits et recouverts, bande son
Mars - juin 2024
Temps de lecture : 3 minutes
Comment s’exprimer en démocratie ?

Londres, Sydney, Amsterdam et bien d’autres lieux accueillent ces « coins des orateurs » (Speakers’ Corners) où chacun peut prendre la parole et exprimer ses convictions. Depuis 5 ans, Le Socle fait de même avec ses installations sur cette placette sans nom, au bord d’une des plus vieilles rues de Paris.

Ici, ce sont des livres qui expriment la liberté d’expression, symbolisée par un poing levé, celui de Charlie Hebdo en 2015. Ces livres ont été au cœur d’un procès : le distributeur les avait endommagés. Devant la justice, l’éditeur "Dis Voir", a plaidé pour le respect des œuvres et a mis à nu les logiques commerciales régissant le monde de la culture.
À la fin, au lieu d’aller au pilon, ces invendables ont été donnés à l’artiste Christian Delecluse : leur nouvelle vie surgit, ici, sur l’espace public.

L’œuvre kaléidoscopique de Christian Delecluse est belle et fascinante. Dixième exposée sur le Socle depuis 2019, elle est symboliquement forte : Le SocleParis a toujours laissé s’exprimer les artistes invités, Speakers’ Corner, célèbre la liberté d’expression pour sa dernière année.

Ce poing levé, dont les veines portent des livres, participe des enjeux contemporains.
Politiques, car les maisons d’édition et les intermédiaires sont en train de tomber dans les mains de milliardaires et de leurs groupes, industriels ou du luxe, afin de disposer d’armes idéologiques pour peser dans les futurs débats politiques, qui seront cruciaux dans un monde menacé. Aucun secteur du livre n’est exempt de cette menace. La liberté d’expression peut perdre une de ses voix fondamentales.

Culturels, car la diversité culturelle est confrontée à de nombreux périls, dont celui du repli identitaire. Le livre a connu une période faste au moment du Covid, le balancier opère dans l’autre sens, les écrans et les réseaux sociaux lui livrent une concurrence féroce, alors qu’ils sont complémentaires. Le Passculture n’a pas permis de rétablir l’équilibre. En revanche, les boîtes à livres sur l’espace public connaissent un grand succès.

Écologiques, car le recyclage est un des éléments importants de la société de sobriété, de la lutte contre le changement climatique. L’œuvre montre qu’il y a d’autres solutions que le pilon pour les livres.
Le don de 700 livres à Christian Delecluse témoigne de tout cela : un procès entre une maison d’édition et un distributeur, entre un dispensateur de culture et une puissance d’argent.

Pour en témoigner, Christian Delecluse a choisi certains livres, leur a donné une forme ouverte, les a ensuite enduits d’un produit durcisseur (donné par Sika, partenaire du Socle) avant de les retravailler à la feuille d’or. Les dessins de formes abstraites sont autant de pays et de continents de la pensée contemporaine, de rivages d’une géographie mentale. Comme des oiseaux, ils prennent leur envol, à partir d’un nid de culture : le Socle. L’ensemble des pensées fait monde, c’est notre monde. Les livres deviennent la trace de notre mémoire collective.

Ces pages témoignent de l’importance des voix atypiques dans nos imaginaires contemporains : la culture est un bien essentiel qui ne peut être réduit à un produit commercial. Les feuilles d’or offrent une nouvelle vie, à la manière des rites de l’Égypte antique.

Il y a étrangement une continuité avec l’œuvre précédente du Socle, de Thibault Lucas,les Habitants,>>> qui consistait à exposer une tente dorée : un éclat éblouissant au soleil, une manière de mettre en avant une urgence dans notre société contemporaine. Après le social, la culture.

Les livres qui s‘envolent sont baignés de son. Ce sont les voix des auteurs diffusées dans l’espace public à partir de l’installation, grâce à un dispositif sonore intime. Les oiseaux qui ne manqueront pas d’utiliser l’œuvre comme nichoir ne devraient pas en prendre ombrage.

La production de cette œuvre d’envergure a mobilisé beaucoup de personnes et de talents, pour la plupart bénévoles, notamment les auteurs de la maison d’édition Dis Voir, que l’artiste et 6M3 remercient chaleureusement.

Cette œuvre a été réalisée avec la participation de :
Jean-Yves Bosseur, Jean-Philippe Cazier, Anaid Demir, Marc Donnadieu, Atom Egoyan, Daniel Foucard, Peter Greenaway, Gary Hill, Valérie Jouve, Eduardo Kac, Michel Maffesoli, Florence de Meredieu, Dominique Peysson, Christian de Portzamparc, Lee Ranaldo, Danièle Rivière, Avital Ronell, Leah Singer, Philippe Tancelin, Chloé Thévenin.

Jean Deuzèmes

Éditeur international, les éditions « Dis Voir » publient des ouvrages sur la culture contemporaine dans les domaines du cinéma, des arts visuels, de la danse, du design, de la musique, de la fiction scientifique.
Soucieux d’explorer des passerelles entre différents domaines du savoir, les ouvrages mettent en valeur les nouvelles écritures, les nouveaux langages, afin d’en saisir les transformations et les enjeux de l’imaginaire contemporain. Site


16 mars-25 juin 2024
80 rue Saint-Martin
75004

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