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Women House. Monnaie de Paris



Une expo 100% féminine. Quand l’art féministe fait craquer le cadre dans lequel on a voulu enfermer la femme : la maison. Et comment l’humour décapant des 70’s s’est dissout.

Niki de Saint Phalle. Nana-maison II. 1966-1987

Alors que la lutte contre les violences sexuelles prend une dimension planétaire et que le débat sur l’écriture inclusive bat son plein, la Monnaie de Paris s’attaque à une question : la femme au foyer, un stéréotype et une réalité qui ont la vie dure. La commissaire, Camille Moreau, qui avait ouvert une brèche dans la manière masculine de concevoir les expositions avec « Elles » au Centre Pompidou de 2009 à 2011, récidive.
Cette exposition, qui se déroule dans les locaux splendidement restaurés du « Musée du 11 Conti » est à la rencontre de deux notions, le féminin et l’espace domestique et s’inscrit dans une double filiation : le texte manifeste de Virginia Woolf , « Une chambre à soi », et une exposition de 1972, « Woomanhouse », qui a marqué durablement l’art féministe (voir la vidéo ). Organisé par Miriam Schapiro et Judy Chicago, dans une maison devant être démolie avec ses 17 pièces occupées par 25 artistes, cet évènement avait été le cadre de happenings sarcastiques dont une vidéo rend compte dans la première salle de la Monnaie.

Répartie sur deux étages et ses multiples salles, l’exposition ne cherche pas à imiter la précédente à Los Angeles mais se déroule selon huit séquences thématiques et chronologiques, très construites ; elle ne dénonce pas, elle fait le point sur l’évolution des approches féministes. En 45 ans, l’esprit des pionnières militantes a perdu de son ton corrosif et s’est déplacé vers la conquête d’espaces (artistiques, architecturaux) traditionnellement occupés par les hommes, à l’image de Zaha Hadid qui, en 2004, a été la première femme architecte à se voir décerner le Pritzker Prize, le summum de
JD

Laure Tixier. 2005-2011

Entre la première et la dernière salle, le temps du féminisme défile. Au RdC de la Monnaie, l’univers de la lutte de la femme au sein du foyer et dans l’art, au premier étage on serait plutôt dans la manière dont l’artiste s’est imposée et maîtrise ou domestique l’espace et l’architecture. Mais ce parti de la commissaire couvre-t-il l’évolution réelle de la pensée féministe ?

Louise Bourgeois

L’exposition suggère qu’on serait passé de l’époque des « Déseperate Housewives », ces « femmes au foyer désespérées » des années 70, dénonçant l’enfermement de la femme dans le confinement de la maison et la domination masculine, aux « Femmes-maisons » qui habitent pleinement leurs espaces et imposent leur propre sensibilité (beauté, harmonie, accord avec les lieux), en architecture ou dans les institutions artistiques (Annette Messager par exemple a reçu le Lion d’or de la Biennale de Venise en 2005).

Elas Sahal. Grotte généalogique. 2006

Aux stéréotypes et à leur critique comme posture et matière artistiques aurait succédé un art d’habiter l’espace, comme allégorie de l’art d’habiter son corps. Cette thématique qui intègre la figure, très classique, de l’espace utérin comme première maison de tout homme apparaît dans la grande araignée de Louise Bourgeois, les Nanas-maisons de Niki de Saint Phalle ou les céramiques d’Elsa Sahal, la « Grotte généalogique » (2006).

Helena Almeida. Etude pour deux espaces. 1977
Monica Bonvicini. Marteler ( un vieil argument). 1998 (Vidéo 18’)

<Ces formes spectaculaires, poétiques, nostalgiques et esthétisantes des œuvres récentes, qui parlent aussi d’intimité et de confort sont fort loin du dynamisme, du caractère décapant et innovant des premières œuvres qui dénonçaient la maison comme lieu d’enfermement, telles les photos d’Helena Almeida, où l’on voit, par exemple, une main dépasser d’une grille ou la vidéo de Monica Bonvicini, « Marteler ( un vieil argument) » (1998 ), qui montre un bras féminin avec une masse s’attaquant à un mur représentant le pouvoir masculin [1] L’aliénation de la femme et de la mère au foyer étaient des thèmes fréquents telle La Madone des Naissances de Valie Export qui accouche d’un lave-linge dans la position de la « Pietà Madonna della Febbre » de Michel Ange(1498-1499).

Birgit Jürgenssen. Travail de ménagères. 1975

Libre, drôle et efficace [2], comme ce dessin de Birgit Jürgenstern « Travail de ménagères » de 1975 où c’est un homme entier et non pas seulement son costume qui est repassé, l’esprit féministe des années 70 a nourri les générations ultérieures jusqu’à un retournement paradoxal, l’essai de Mona Cholet « Chez soi : une odyssée de l’espace domestique » 2015 qui en tant que féministe combat le mépris pour la femme au foyer, réhabilite le travail ménager et fait du chez soi, même s’il est petit, cher ou dévoré par le temps une ouverture au monde, grâce à Internet (lire portfolio). Il en va de même du débat sur la pilule aujourd’hui : un instrument de libération il y a 50 ans, une contrainte ou un danger pour les plus jeunes générations.

Zanele Muholi. Katelgo Mashiloane and Nosipho Lavuta, ext.2, Lakeside, Johannesburg. 2007

Il n’y a plus un seul féminisme mais plusieurs ; l’exposition de la Monnaie ne fait que témoigner de cet éclatement des rapports du féminin à l’architecture et au foyer, qui passe cependant souvent à côté des rapports de classe et de genres qu’évoque la photographe sud-africaine Zanele Muholi, avec « Katelgo Mashiloane and Nosipho Lavuta, ext.2, Lakeside, Johannesburg. » (2007).

Rachel Whiteread. Jeu d’échecs moderne. 2005

Une exposition sur l’émancipation des femmes et sur une succession d’époques, fort différente du radicalisme politique des Feemen (lire Voir et Dire) d’aujourd’hui, et une occasion à ne pas manquer pour visiter a Monnaie, dont les cours se prêtent à merveille à des œuvres monumentales.

Un oubli, le street art, avec Anne Laure Maison, qui notamment, a abordé ces questions à sa manière.

Jean Deuzèmes

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Du 20 octobre 2017 - 28 janvier 2018, 11 quai Conti


[1"Féministe vandale, héritière de « l’anarchitecte » Gordon Matta-Clark autant que de la politique Martha Rosler, Monica Bonvicini s’acharne à mettre à nu toutes les idéologies sous-jacentes à l’architecture, révélant combien le moindre espace s’avère profondément déterminé culturellement, et sexué absolument. Comment il est lieu de répression, d’autorité (masculine, intellectuelle), incarnation de toutes les mécaniques de pouvoir…." >>>

[2En France, c’est l’époque d’Hara Kiri dont les rencontres d’Arles 2017 ont largement fait part

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