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Alejandro Tobon Rojas. Natures différentes
2017, année France-Colombie : un plasticien colombien vient accrocher d’immenses nids dans les voûtes de Saint-Merry. Au-delà de l’alerte sur une espèce en voie de disparition, une vision humaniste. Exposition d’été < 20 septembre

2016. Le Congrès colombien ratifie les accords de paix avec les Farcs, le président Juan Manuel Santos reçoit le prix Nobel de la Paix. La France accompagne le désir de ce pays de changer l’image, notamment par des échanges culturels.
Saint-Merry a le plaisir d’accueillir Alejandro Tobon Rojas, artiste plasticien colombien, qui, avec une œuvre de bois sonorisée occupant les voûtes du transept de Saint-Merry, évoque la disparition des espèces dans un des pays dont la faune est l’une des plus riches du monde par sa faune (36 parcs et 20 zones protégées) et alerte sur les risques incontrôlés du développement de son continent.
Ce n’est pas une œuvre documentaire, mais un ensemble de sculptures, fabriquées minutieusement avec les techniques artisanales de menuiserie, à partir de morceaux de bois ramassés dans les rues de Medellín. Le bois des fragiles nids d’Amérique latine dialogue avec la pierre multiséculaire de l’église européenne : des nids pour rendre présente une nature si différente ; une manière de traduire la vision humaniste de l’artiste, par la beauté et la légèreté.
Une œuvre belle qui converge avec l’encyclique « Laudato si » du pape François et pose implicitement des questions sur la manière dont l’homme habite la terre aujourd’hui.
Alejandro Tobon. Natures différentes from Voir & Dire on Vimeo.

Neuf pièces d’architecture vernaculaire en bois de récupération de 2 à 5 m de haut reprennent la forme des nids « gulungo » habités par des Oropdenola crestada , qui ont des traits communs avec les loriots d’Europe. Ces oiseaux sont en voie d’extinction par suite de leur commercialisation ainsi que celle de leurs nids à la forte identité visuelle.
Visionner vidéo sur l’oiseau et son nid
Alejandro Tobon Rojas a vécu depuis son enfance au contact de la nature dense et généreuse. Tout son imaginaire est nourri de l’impression forte laissée par les grandes masses végétales des collines voisines de sa résidence [1].
Artisan-artiste, il reconstruit des formes amplifiant celles originales des nids et surtout les déplace dans un autre continent, dans un autre contexte.
Pour Alejandro Tobon Rojas les nids architecturés de Saint-Merry placés dans un paysage différent de leur point de référence sont une occasion d’affirmer son projet humaniste :

« Les deux situations de nature —autour de Medellín / le centre de Paris—, qui accueillent ces nids sont différentes, mais elles ont des origines qui les rapprochent. Ces lieux ont en commun d’avoir été créés pour la vie, pour naître, pour être sacrés, pour être appréciés en regardant le ciel.
J’aspire à utiliser ces constructions comme la matérialisation de mes questionnements sur ce que nous comprenons du développement en Amérique latine. L’important n’est plus la fonction des objets dans l’espace, mais la manière dont nous nous mettons en relation avec le monde. Après nous être empressés de satisfaire nos besoins de base, nous sommes confrontés désormais à la destruction de nos ressources.
Le mot communauté prend alors tout son sens. Je considère qu’il est important de réfléchir sur les conditions de notre propre préservation sur la planète Terre et sur notre responsabilité dans ce qui la détruit. Nous sommes co-habitants d’un espace partagé avec d’autres […]
En reprenant les propos d’Alejandro Arias (2016) “Le développement doit respecter la planète comme l’habitat commun de l’humanité et l’humanité dans son ensemble se doit d’être solidaire ...” , il faut songer à l’habitat comme une cohabitation sociale et subvenir à nos besoins sans affecter ni les ressources naturelles ni autrui. Mais comment se mettre en rapport avec les autres et avec le monde d’une manière différente ? Aujourd’hui il faut tourner nos regards vers la nature, reconnaitre ses valeurs inhérentes et ainsi imaginer de nouvelles manières simples, organiques, minimales et efficaces d’habiter le monde, de tisser des rapports de solidarité avec l’autre, de réfléchir ensemble à d’autres alternatives de développement [2] ».
Et l’artiste de citer Ezio Manzini.
“L’homme, comme nous le savons, descend d’une espèce qui produisait des nids. Le nid est une organisation de l’espace, c’est ce qui sépare une partie connue et familiale, et qui rassure, d’une autre méconnue, d’un royaume de l’imprévisible, de la peur ou de l’aventure. Mais en outre, l’homme est un animal culturel. C’est pourquoi les « matériaux de construction » de son nid sont plus symboliques que physiques. Depuis toujours la protection fournie par la cabane, la tente, ou plus récemment la maison, dépasse la question des agents atmosphériques, elle concerne les esprits hostiles externes. [3]”
Jean Deuzèmes
Des références possibles
https://www.youtube.com/watch?v=LtwEH60dWzg
https://www.youtube.com/watch?v=TU7BsUeXGbw
https://www.intermedes.com/article/728-2017-annee-france-colombie.html
https://co.ambafrance.org/Qu-est-ce-que-l-Annee-France-Colombie-2017
exposition du lundi au samedi : 13h-19h
25 juillet-15 septembre
Vernissage jeudi 27 juillet, à partir de 17h.
[1] « Il y a déjà quelques décennies, à l’aube d’un samedi de vacances de fin d’année, nous prîmes nos gibecières : mon père comme guide, certains de ses enfants et des amis, nous entreprîmes un merveilleux voyage vers la colline Quitasol de la municipalité de Bello Antioquia. Je n’ai regretté et admiré aucun autre voyage et paysage comme celui- là. Ce ne sont pas les objets tels qu’ils sont disposés dans l’espace qui comptent pour moi, c’est le sens qu’acquièrent ces pièces en les représentant de nouveau, en les plaçant alors dans une géographie différente, en leur faisant une place. Une photographie, un dessin ou une peinture suffiraient sans doute à nommer ces scènes, la nature ou ces paysages. Néanmoins, pour me permettre une sorte de catharsis, d’exorcisme ou de rituel de passage, il est essentiel de construire mes manques, mes souvenirs, de nommer ailleurs ce qui n’est déjà plus, et ce, avec des sculptures, des installations ou simplement des objets. Des arbres qui m’ont accompagné un certain temps, des roches qui me permettent de comprendre le poids de ce qui est amorphe, des outils et des objets construits, ils deviennent un paysage tridimensionnel de nature morte ; une nature morte de Cézanne, qui peut être parcourue, le monument mégalithique en automne, de Friedrich et le recyclage d’essais de Jose Luis Pardo. » se rappelle l’artiste.
[2] Desarrollo Humano Sostenible, (Développement humain soutenable), mémoire de fin d’études de philosophie, U. De Valladolid, 18 février 2016.
[3] Design, social innovation and sustainable ways of living, 2007.