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Jeanne Vicerial. Armors



Une troublante œuvre textile en fil et non en tissu, explorant les identités de genre et donnant de la femme une silhouette inattendue. Une nouvelle esthétique qui se répand rapidement.

Les sculptures textiles, presque toutes noires, de cette artiste venue du design fascinent. Elles parlent du corps de la femme, sur un mode poétique et non par la description crue des écorchés « Körperwelten », ces corps ayant subi la plastination et imitant des gestes humains, dont les expositions ont fait scandale en jouant sur des attirances morbides. Les deux démarches, pourtant liées à la science médicale, abordent l’humain totalement différemment.
"Telle une armée, ces présences se tiennent debout et exposent leurs cicatrices de fils suturés. Parées de leurs "armors", elles marchent fièrement vers l’avenir, et nous comptent ainsi leur histoire de la féminité", Jeanne Vicerial (Flyer de l’exposition)

Ces silhouettes féminines expriment la force et la fierté, dans des matériaux fragiles, non des tissus mais des fils assemblés en atelier ou désormais par un robot.
Ce ne sont pas des vêtements que l’on peut porter, même si l’artiste a suivi une formation de costumière puis un master en design vêtement et a soutenu un doctorat (Clinique vestimentaire : pour un nouveau paradigme de la création & réalisation vestimentaire sur-mesure) puis déposé des brevets. Les œuvres sont au croisement de diverses approches : artisanat, anatomie, chirurgie et création textile sur-mesure. Elles réexplorent de nombreuses figures de l’histoire de l’art : guerrières, gisantes, divinités, gorgones, ex-votos, etc.

Les œuvres sont noires, éventuellement blanches, et ont connu un succès fulgurant. Désormais on les voit dans de nombreuses expositions (La Fayette Anticipationpar exemple), mais aussi dans des lieux religieux comme la Basilique Saint-Denis : Gisant.e.s une Re-Naissance ou encore à la galerie Templon.

À 31 ans, l’artiste-chercheuse est déjà largement reconnue pour son approche avant-gardiste. Dans ses recherches, elle a renversé les codes de l’industrie textile, remettant en question la dichotomie sur-mesure/prêt-à-porter et proposant un nouveau paradigme : le « prêt à mesure ».

Sa question d’artiste est celle de la place de la femme et du corps féminin dans la société et, à ce titre, elle associe régulièrement à ses projets d’autres créateurs tels que des scénographes, des parfumeurs, des musiciens.

Dans une récente exposition à la galerie Templon, où V&D a réalisé ces photos, Jeanne Vicerial s’approprie l’espace avec son armée silencieuse de personnages cristallisés au fil du temps. Férue de poésie, elle donne vie à ces "Armures", troublantes guerrières vêtues d’amour et d’armure, en recouvrant entièrement les mannequins de fil noir.
Au cœur de l’exposition, un imposant robot articulé, contrôlé par un logiciel, danse autour d’une sculpture, tissant une toile pour la capturer par une succession de mouvements délicats et répétés à l’infini. Ce processus créatif semble avoir engendré diverses "présences", des femmes couchées sur leur pierre tombale dans un sous-sol sombre devenu crypte, des figures hybrides mystérieuses, l’étoffe même de la mythologie...

Le pèlerinage passe à une autre étape avec un cabinet de curiosités dédié aux "sex-votos".

L’artiste recouvre les murs d’un blanc immaculé d’une accumulation d’objets en guise d’offrandes. Comme elle l’explique : "Il est intéressant de noter les parallèles entre l’industrie textile et le monde de la sculpture : les deux domaines utilisent le terme de "coutures" pour désigner les points de jonction, les endroits où les pièces s’entremêlent". (Flyer de l’exposition)
Mutilés ou démembrés, ces vulves fleuries, ces minuscules organes vestimentaires et ces ventres de Vénus revisitent tout ce que cache le vêtement. Avec ces curieux objets cérémoniels, Jeanne Vicerial approfondit sur le mode artistique son exploration du genre et hybride le corps féminin, tour à tour vénéré et maltraité depuis des millénaires.

Fin du XXe siècle, Judith Scott avait produit des œuvres d’art brut avec des fils de toutes les couleurs (Lire V&D >>>)
Au XXIe Jeanne Vicerial est figurative et part de ses recherches sur les tissus musculaires humains ; elle inclut dans l’atelier la plus haute technologie pour donner un autre visage, un autre corps à la femme, pour donner à ses vêtements un statut d’avatar de toutes les époques.

Jean Deuzèmes


Galerie Templon
7 JANVIER - 11 MARS 2023

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