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Grégoire Korganow. Père et Fils



Des photos sur trois petits murs. Sur chacune, deux hommes, torse nu, sans équivoque. Un père et un fils simplement. Un regard pour questionner : Qu’est-ce qu’un père ? Qu’est-ce qu’un fils ? Quel lien les unit ? Subjuguant. < 4-04-2015.

Dans une des salles retirées de la Maison Européenne de la Photographie, sur trois petits murs, sont accrochées un ensemble de photographies de même format dans une scénographie sobre : le principe de répétition permet de mieux révéler l’unicité de chacune des photos et de poser des questions universelles et si humaines : Qu’est-ce qu’un père ? Qu’est-ce qu’un fils ? Quel lien les unit ? Le sang ? L’amour ? La transmission ? L’héritage ?

« Je photographie des pères, de 20 à 80 ans, debout, torse nu, avec leur fils de quelques minutes pour les plus jeunes ou entrés dans la cinquantaine pour les plus âgés. Ils sont proches, souvent peau contre peau.
C’est sans doute l’arrivée de mon fils dans ma vie qui m’a donné envie de ces portraits. Il s’appelle Marco. Sa peau est noire. Il est né au Rwanda. Je me souviens de l’enthousiasme d’un ami : « c’est fou ce qu’il te ressemble ! » Vraiment ? Et moi ? Est-ce que je ressemble à mon père ? Et tous ces fils que j’ai photographiés ressemblent-ils à leur père ? En regardant ces portraits, on recherche les ressemblances. On scrute les traits du visage, on compare les gestes, les attitudes. On imagine une histoire. On tente de percer le mystère de la relation. La nudité des corps jette le trouble, brouille un peu les pistes. La fragilité, la tendresse sont-elles taboues ?
J’ai débuté ce travail en 2009. J’ai tout d’abord photographié mes amis, mes voisins, des connaissances de l’école de mes enfants. Par la suite j’ai passé une annonce sur les réseaux sociaux. Très vite des pères et des fils que je ne connaissais pas se sont portés volontaires. Puis j’ai enrichi ma série de portraits par des résidences d’artiste dans toute la France : je me suis installé dans une banlieue populaire, à la campagne, dans une ville nouvelle, une maternité… »
Grégoire Korganow

On connaît la prodigieuse série Maternités de la photographe néerlandaise Rineke Dijkstra qui avait saisi les premiers instants de la relation entre une mère et son enfant, nus et de plain-pied face à l’objectif : des regards d’espoir, d’inquiétude, des gestes affirmant la fragilité conjointe de la femme et de l’enfant. Il s’agissait de traquer un peu d’universel : le juste-après de la séparation spécifique à la naissance.

Dans sa série, Grégoire Korganow, lui artiste homme, se situe dans le registre de la masculinité et cherche à appréhender la relation entre un ascendant et un descendant. Il enrichit la verticalité relationnelle par l’horizontalité émotionnelle.
Il utilise une procédure analogue, cadrer strictement les sujets et les dévêtir afin de les placer à pied d’égalité, en supprimant les effets de classes ou de lieux dont les vêtements sont le signe.

Mais ensuite tout change par rapport à Rineke Dijkstra, les mères regardaient fixement l’objectif donc le spectateur. Les pères et les fils, eux, peuvent se regarder, le spectateur étant un tiers, à côté de l’artiste et des sujets, témoin d’une multitude de gestes qui sont loin d’épuiser toutes les attitudes que les pères peuvent avoir à l’égard de leur fils. Le photographe saisit la diversité des formes de la tendresse et de l’amour paternels, nourris tout à la fois de virilité et de féminité.

Les manières d’être père incluent la question de l’adoption, qui apparait nettement lorsque la différence de peau est très forte, ainsi que la transformation de la relation dans le temps, puisque les photos montrent des échelles d’âge très grandes, entre un père de 70 ans qui observe son fils de 50 alors qu’un autre très jeune fait sauter son enfant ou enserre son juste-né.

L’artiste dépasse la quête de la similitude des traits des visages et aime à montrer toute la gamme de la reconnaissance mutuelle, les jeux de regards oubliant souvent l’objectif, le positionnement des corps disant des histoires familiales muettes condensées le temps d’un clic.

Il n’y a aucune ambiguïté homosexuelle, pas de séduction. Tout est lien, mais pas à la manière des ethnologues qui analysent les modes de parentés et les questions de stratégies familiales ; le photographe scrute les individualités et leur singularité irréductible. Il révèle l’intersubjectivité.

Si chacune des œuvres impressionne et fait passer le spectateur d’une découverte à une autre et d’un commentaire intérieur à un autre, l’ensemble subjugue par l’émotion qui s’en dégage, que l’on soit homme ou femme.

JD


Jusqu’au 4 avril 2015
La Maison Européenne de la Photographie

5/7 Rue de Fourcy - 75004 Paris

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