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Florence Obrecht. Le jardin de verre



Une talentueuse représentante de la peinture française contemporaine nous entraine dans un monde de traditions revisitées, joyeuses, tenant de la parade urbaine et de la procession rurale. Galerie Valérie Delaunay

Florence Obrecht. En route

« En route » est écrit en ukrainien, au-dessus d’un couple aux habits de fête vu de dos : le premier tableau à la galerie Valérie Delaunay est une excellente introduction à cette exposition colorée, joyeuse, au cœur du temps présent et de la peinture actuelle. L’artiste française, née en 1976, vivant et travaillant à Berlin, nous embarque dans un monde qu’elle enchante, où le goût pour l’expression populaire puise dans l’univers du religieux pour réinventer des rituels.

Au fond de la galerie, une parade de rue, dans le film qu’elle a conçu avec ses amies et amis du quartier, maquillés comme dans ses tableaux, révèle ce qui l’a portée depuis de nombreuses années : le « Vertep », une forme de théâtre traditionnel ukrainien de marionnettes ; en Biélorussie, il est aussi connu sous le nom de « Batleïka ».
Cette démonstration pleine de bonhomie tient de la procession, mais ici joyeuse et non dévote. Ainsi de la splendide bannière disposée à l’entrée de la galerie qui joue comme rideau de scène à son jardin de verre : « L’amour est plus fort que la mort » brodé en allemand sur cette première bannière donne le ton à ce qui est bien plus qu’un jardin de verre.

Le jardin de verre. Une courte visite de l’exposition Florence Obrecht

L’atmosphère de Berlin est présente avec ses amicaux débordements, la chaleur des relations humaines et la proximité des pays de l’Est, notamment l’Ukraine avant la guerre. Le monde de Florence Obrecht est hyper affectif.

Tableaux, anciens tissus retravaillés, vases et autres objets tenant de l’art brut disent l’univers mental de l’artiste : « Je fais les choses que je dois faire, que cela ait l’air féminin ou pas. Mon travail me permet de construire un monde où l’humain et la mémoire sont au centre…

Florence Obrecht a investi la peinture, au-delà de la figuration libre des années 80, par la figuration libérée, avec un talent de portraitiste débordant d’imagination ; elle transmet la joie des amies et amis qui ont posé pour elle après des séances de maquillage et moult shootings.

« Intitulée « Jardin de verre », [ l’exposition est] donc, à l’instar d’une serre, tout à la fois un espace transparent et ouvert, un lieu clos, protégé et protecteur, et un terrain fertile où tout peut croitre et s’épanouir dans un certain désordre patiemment entretenu. Et, à l’instar d’un square, une forme de place publique, de carrefour où les chemins comme les destinées se rencontrent, se croisent et s’entrecroisent et se mélangent, où les voies s’ouvrent et les voix se déclarent […] D’œuvre en œuvre, on saura donc y repérer des figures de mémoire (icônes, images anciennes d’Europe de l’Est, tableaux de Marfa Tymchenko, artiste folk ukrainienne), des formes vernaculaires ou populaires (châles, coiffes, couronnes, collerettes, bannières, drapeaux, bâtons…), des motifs emblématiques débricolés (abeilles, plumes, fleurs, fruits, bougies, perles, boutons, coquillages, dentelles, broderies…) » présente avec justesse Marc Donadieu, conservateur en chef du Musée de l’Élysée à Lausanne, dossier de presse.
On ne sait dans quelles légendes l’artiste nous emporte, mais beaucoup de choses commencent avec les visages et les regards.

Florence Obrecht. Jardin de verre (Visages) from Voir & Dire on Vimeo.

Les tableaux commencent par le maquillage de ses modèles, à partir de dialogues avec eux et de multiples racines artistiques, comme dans sa série Faire des Picasso.

Ils se réfèrent aussi au monde des icônes, auquel elle donne une dimension contemporaine, concrète, de la vie réelle : aussi sa Sainte famille n’est-elle pas un couple de chanteurs québécois ? Et sa Vierge à l’enfant, sa Jeanne d’Arc ne viennent-elles pas d’Afrique ? Elle reprend les codes de la peinture d’icône avec les feuilles d’argent repoussé, laissant dégager la figure du sujet.
Les cheveux portent les couronnes de fleurs ou d’autres attributs comme les cierges, en référence aux représentations traditionnelles de sainte Lucie ; les lunettes reflètent de la lumière venue de plus haut.
Son univers n’est pas celui du carnaval à la Ensor, sceptique ou socialement ironique, mais celui des fêtes de village ou de quartier, spirituel et joyeux à la fois. Il est aussi celui de l’art et de la mémoire d’artistes qu’elle imprime précieusement sur ses vases : Christian Boltanski, Louise Bourgeois, Mike Kelley, chacun avec de multiples collages ou incrustations symboliques.

Le vertep ukrainien qu’elle fait surgir, qu’elle fait passer par Berlin, est une invitation à suivre l’artiste non pas dans la tradition des images, mais dans celle de l’hospitalité joyeuse, propice aux échanges. L’art du déplacement et l’accueil de ceux qui fuient les combats. Une peinture pour notre temps.

Jean Deuzèmes

A télécharger. Marc Donnadieu. À propos de l’exposition Jardin de verre de Florence Obrecht.pdf

Site de l’artiste
Site de la Galerie Valérie Delaunay


LE JARDIN DE VERRE
FLORENCE OBRECHT
Exposition du 5 mai au 18 juin 2022
Galerie Valérie Delaunay, 42 rue de Montmorency, 75003 Paris

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